La Tunisie face à un choix : faillite et dictature ou reprise économique et démocratie
Par Bassem Snaije[1] et Francis Ghiles[2]
Le 27 mars, les fils d’actualité sont inondés par un nouvel événement tragique survenu en Méditerranée. Une frêle embarcation transportant des migrants qui tentaient d’atteindre les côtes italiennes a coulé au large de la Tunisie, près de Sfax. Plus de 30 personnes ont perdu la vie.[3] Presque tous étaient des migrants originaires d’Afrique subsaharienne et bloqués en Tunisie. Cet événement dramatique a attiré l’attention de la communauté internationale sur l’exode qui se poursuit en Afrique subsaharienne, mais aussi en Tunisie, où l’aggravation de la crise pousse non seulement des individus, mais aussi des familles entières, à fuir le pays. Au moment de ce naufrage, les rapports des garde-côtes indiquaient qu’environ 3 000 migrants avaient débarqué sur le sol italien au cours des trois ou quatre jours précédents.[4]
Dans une note publiée au début du mois d’avril,[5] Frontex, l’agence européenne de contrôle des frontières, a fait état de près de 12 000 personnes ayant traversé la Méditerranée centrale vers l’Italie au cours des mois de janvier et février, soit une augmentation de 120 % par rapport à la même période l’année dernière. Les prévisions pour les prochains mois indiquent une forte augmentation de ces chiffres déjà exceptionnellement élevés.
Un peu plus d’un mois avant cette récente tragédie, le président tunisien Kais Saied a publié une déclaration officielle dans laquelle il a dénoncé une conspiration criminelle visant à modifier le profil démographique de la Tunisie, par l’afflux de “hordes” de migrants subsahariens. Cette déclaration a été faite à l’issue d’une réunion du Conseil de sécurité de l’État présidée par le président, le 21 février 2023. Ces propos et leurs conséquences ont semé la panique au sein de la communauté des 20 à 30 000 migrants subsahariens présents dans le pays, dont beaucoup possèdent des documents leur permettant d’étudier ou de travailler dans le pays. Les déclarations de Nabil Ammar, le nouveau ministre des Affaires étrangères, n’ont convaincu personne de l’ “honnêteté” du discours de Saied, qui a alimenté une campagne raciste anti-Noirs sans précédent dans l’histoire de la Tunisie.
Le 13 février, deux importants membres d’Ennahda, Noureddine Bhiri et Abder Hamid Jelassi, sont arrêtés. Le 24 février, Jawhar Ben Mbarek, avocat constitutionnaliste et l’un des principaux dirigeants du “Front du salut”, la principale coalition d’opposition à Kais Saied, est arrêté lui aussi. L’arrestation d’une autre figure importante du “Front du salut”, Chaïma Issa, fait de cette dernière la première femme prisonnière politique de la Tunisie post-Printemps arabe.[6]
Le 17 janvier, la Libye déchirée par la guerre envoie 96 camions chargés principalement de denrées alimentaires en Tunisie, par le point de passage de la frontière à Ras Jedir, au sud-est du pays.[7] Un porte-parole de l’ambassade libyenne en Tunisie avait alors confirmé que ce convoi d’aide serait suivi par d’autres, tout ceci moins de deux mois après la visite à Tunis du Premier ministre intérimaire de la Libye, Abdelhamid Dbeibah, fin 2022.
Face à une telle dégradation de la situation, les réactions du président et de ses forces de sécurité semblent être guidées par la panique et une fuite en avant dans l’improvisation. Que la Libye, Etat en guerre, devienne une source d’aide alimentaire d’urgence pour la population de l’épicentre du printemps arabe et phare des réformes démocratiques, doit être douloureux pour les Tunisiens. La chute est brutale …
Il y a quelques jours, le président Kais Saied a annoncé qu’il refusait les “diktats” du FMI relatifs au nouveau programme de financement relativement modeste de 1,9 milliard de dollars, en cours de négociation depuis des mois. Cette annonce a déclenché une frénésie médiatique, et de nombreux titres annoncent alors que le défaut de paiement du pays est imminent, les perspectives d’un renflouement ayant pratiquement disparu.
Il y a un an, nous écrivions que la transition démocratique réussie de la Tunisie était avant tout une illusion d’optique. Le blocage politique a entravé toute tentative ou possibilité de réforme, entraînant une détérioration constante de la situation économique et financière. Nous avons souligné que la démocratie sans progrès économique n’est pas durable. Kais Saied a été élu car de nombreux Tunisiens espéraient qu’un outsider, un professeur de droit constitutionnel austère et non corrompu, pourrait sortir le pays de l’impasse. Nous avons montré que le temps était compté pour le pays et nous nous sommes inquiétés de l’accent mis par le président sur la réforme constitutionnelle, sans tenir compte de la nécessité cruciale d’une transformation économique allant bien au-delà de simples réformes.[8]
Dans cet article, nous étudierons les perspectives à court terme pour le pays et analyserons le risque de défaut de paiement imminent de la Tunisie. Nous examinerons les options restantes pour le président, s’il y en a. Quelles initiatives pourraient éviter les conséquences potentielles des “diktats” d’un programme d’ajustement financier ? Nous montrerons que bien qu’une issue positive aux négociations avec le FMI reste possible, l’économie et le contrat social de la Tunisie sont en faillite. Nous avancerons enfin quelques propositions qui pourraient contribuer à orienter l’économie vers une voie plus durable et plus prospère.
- La Tunisie est-elle en situation de défaut de paiement imminent ?
Le 20 mars, trois semaines avant que le président Kais Saied ne dénonce les diktats du FMI, le Haut représentant pour les affaires étrangères de l’UE, Josep Borell, a alerté lors d’une conférence de presse sur le risque d’un “effondrement” imminent de la Tunisie.[9] Les marchés internationaux des obligations et du crédit signalent que le pays pourrait déjà être en situation de défaut de paiement.
L’obligation internationale de la Tunisie délivrée en 2015, pour une durée de 10 ans et avec un taux de 5,75%, a vu son prix exploser jusqu’à 48,5 et 51,5 après l’annonce du refus des conditions du FMI par le président. Le vendredi 14 avril, le marché a conclu un taux de 48,5% sur cette obligation.[10] Avec un tel coût d’emprunt, les risques de défaut de paiement restent très élevés. Les marchés financiers étaient en alerte bien avant la dernière offensive présidentielle contre les conditions imposées par le FMI. Les écarts de crédit plaçaient la Tunisie en situation de défaut probable en 2022. Dans les analyses sur les primes de risque par pays publiées par le professeur Aswath Damodaran de la Stern School of Business de l’université de New York,[11] la prime de risque pays sur le crédit de 10 ans était déjà supérieure à 10 % par rapport aux obligations du Trésor américain, qui constituent la référence du marché. Un seuil qui indique une forte probabilité de faillite.
La valeur de l’obligation 2025 avec un taux de 5,75 % était en baisse depuis 2021, reflétant une détérioration rapide de la situation financière du pays depuis la pandémie de Covid-19 et les blocages de mars 2020, lorsque le taux d’intérêt de cette obligation a atteint plus de 15 %. Deux ans plus tard, à la mi-juillet 2022, ce taux avait atteint plus de 35 %. Les discussions avec le FMI lancées à ce moment-là avaient abouti à un accord de niveau de service (Staff Level Agreement – SLA),[12] déclenchant alors un redressement spectaculaire. Mais les retards dans les négociations pour la confirmation d’un prêt final du FMI de 1,9 milliard de dollars, suivis de l’annonce par le président de la fin des négociations, ont entraîné l’effondrement du marché, faisant grimper le taux d’intérêt à près de 50%. A ce stade, la Tunisie ne peut plus accéder aux financements en devises étrangères sur les marchés internationaux.
Les agences de notation tirent la sonnette d’alarme depuis 2021, et ont réitéré leurs avertissements en 2022 et 2023. La Tunisie a été déclassée de la note Caa1 – déjà très négative – à la note Caa2 par l’agence Moody’s, en l’assortissant d’une “perspective négative” à la fin du mois de janvier 2023.[13]
Les notes Caa indiquent “une mauvaise situation et un risque de crédit très élevé”. L’agence Fitch a quant à elle rétrogradé la note de crédit de la Tunisie à trois reprises depuis le début de la pandémie de Covid-19 en mars 2020. Le dernier déclassement a eu lieu en mars 2022,[14] passant de B- avec perspective négative à CCC, ce qui reflète, selon la terminologie de Fitch, “une réelle possibilité de défaut de paiement”. Il y a quelques semaines, le 29 mars 2023, Fitch a publié une note confirmant la notation CCC.[15] Tout porte à croire que la Tunisie sera en défaut de paiement vis-à-vis de sa dette extérieure. Ce constat se base sur les engagements extérieurs auxquels le pays est soumis à court terme, et son incapacité à y faire face sans parvenir à un accord avec le FMI.
Les échéances des remboursements des emprunts de la Tunisie sont remises en cause
Dans le budget 2023 du gouvernement (Loi de Finances 2023 – LF2023),[16] le remboursement de la dette extérieure s’élève à 6,672 milliards de dinars tunisiens soient 2 milliards de dollars, comprenant un eurobond de 500 millions de dollars arrivant à échéance en octobre prochain, ainsi que 412 millions de dollars de remboursement dus sur les précédents prêts octroyés par le FMI. Le montant devrait atteindre 2,6 milliards de dollars en 2024, incluant un eurobond de 850 millions de dollars arrivant à échéance en février 2024.[17] Avec l’augmentation du coût du financement et la baisse du taux de change du dinar, le montant de la dette extérieure s’élève à 2,27 milliards de dinars pour 2023, soit 683 millions de dollars, ce qui représente une augmentation de 28 % par rapport à 2022. Le financement extérieur total nécessaire pour financer le déficit budgétaire prévisionnel de 25 milliards de dinars s’élève à 14,85 milliards de dinars, soit 4,5 milliards de dollars. Une augmentation très significative par rapport à 2022.
Le texte de la LF2023 identifie quelques sources de financement étranger, notamment un prêt d’Afreximbank et de la Banque africaine de développement (BAD) garanti à la fin de 2022 pour un total de 600 millions de dollars, ainsi qu’un prêt de 300 millions de dollars octroyé par l’Algérie. Toutes les autres possibilités de financement sont conditionnées à un accord avec le FMI. Même en tenant compte de toutes les sources de financement potentiellement disponibles pour le pays, le budget présente un large déficit de 4,77 milliards de dinars, ou 1,4 milliards de dollars dans la section “Autres prêts étrangers”.[18] Le risque de non-financement est très élevé. Les écarts de risque de crédit et les taux d’intérêt vertigineux exigés par les marchés internationaux pour les prêts octroyés à la Tunisie sont pleinement compensés par les financements dans la LF2023, ainsi que dans toutes les lois de finances promulguées depuis la pandémie de Covid-19. Les marchés internationaux exigent un taux d’intérêt de 50% pour les nouveaux prêts, ce qui signifie que le pays ne peut de facto pas y accéder. Le gouvernement et le président n’ont alors d’autre choix que de s’adresser au FMI. Le déficit de 1,4 milliard de dollars dans les financements internationaux souligne le besoin urgent d’un nouveau prêt de 1,9 milliard de dollars de la part du FMI. Pourtant, le président Saied proclame que les conditions exigées par le FMI dans l’accord SLA sont inacceptables, et affirme aux Tunisiens “qu’ils ne doivent compter que sur eux-mêmes”.[19] Compte tenu de l’ampleur des défis financiers auxquels le pays est confronté, la déclaration de M. Saied semble incompréhensible.
Le président et son gouvernement sont confrontés à un risque pire que celui d’un défaut de paiement
La mise en œuvre de nouvelles réductions des subventions étatiques, et de contrôles plus stricts de la masse salariale publique, conditions indispensables à un accord avec le FMI, semble présenter un risque beaucoup plus élevé que celui d’un défaut de paiement. Cette évaluation est probablement le résultat du nombre croissant de manifestations et de contestations liées aux multiples chocs que les Tunisiens ont subis depuis la pandémie de Covid-19. Les protestations publiques n’étaient pas significatives dans les années 2000 sous le régime de Ben Ali, du moins jusqu’au soulèvement majeur dans le bassin minier de Gafsa en 2008.[20] Ce dernier a donné un avant-goût de la contestation populaire majeure de 2010/2011. Les statistiques de la Banque mondiale sur les manifestations et les soulèvements dans le pays montrent que les révoltes ont augmenté de manière significative après le premier accord passé avec le FMI en 2016, et se sont accélérées après 2019. Après le premier accord avec le FMI et les difficultés causées par la dévaluation du dinar, leur fréquence a dépassé le pic atteint pendant la période de la révolution de 2011. À la fin de l’année 2020, la fréquence des contestations était trois fois plus élevée qu’en 2011, et deux fois plus élevée qu’en 2016. Les protestations se multiplient alors que le gouvernement tente de mettre en œuvre les réformes économiques et fiscales discutées avec le FMI et ses autres bailleurs de fonds internationaux.
L’inflation a augmenté rapidement depuis 2021, passant de 7,5 % à 8,5 % en 2022. Elle devrait atteindre une moyenne de 9,5% en 2023. La Tunisie a un taux de dépendance aux importations alimentaires de plus de 60%, en particulier pour les céréales.[21] De plus, sa principale source d’importation était la Russie. La guerre en Ukraine et la rupture d’approvisionnement qui en résulte affectent la Tunisie au pire moment possible, car le pays ne dispose pas de marge budgétaire pour protéger sa population des crises d’approvisionnement et de la montée des prix. Les effets combinés de ces événements pourraient déclencher de nouvelles vagues de protestations. Le niveau d’inflation attendu en 2023 est le plus élevé que le pays ait connu depuis les années 1980.
Pour justifier son refus de réduire les subventions exigées par le FMI, Ia référence du président Kais Saied aux révoltes du pain de 1984 doit être replacée dans le contexte de pressions croissantes sur la population. Ironie du sort, la réduction brutale des subventions décidée par l’ancien président
Bourguiba en 1984,[22] puis annulée après la pire révolte que le pays ait connue depuis son indépendance en 1956 et avant 2011, n’avait pas été imposée par le FMI, qui avait suggéré à l’époque une réduction graduelle étalée sur plusieurs années.[23]
Parier sur une stratégie “too big to fail” à la tunisienne
Les débordements présidentiels contre les migrants subsahariens en Tunisie sont l’une des principales raisons de l’augmentation soudaine du nombre de traversées vers l’Europe. L’Italie est la seule membre de l’UE qui soit directement confrontée à cette crise. Le flux migratoire vers l’UE via l’Italie n’a cessé d’augmenter en raison des pressions économiques croissantes sur les Tunisiens. Le président et son gouvernement misent sur les craintes des Italiens quant à l’impact désastreux que la faillite financière de la Tunisie aurait sur les flux migratoires, et leur tactique semble fonctionner. L’Italie insiste sur la nécessité pour le FMI d’apporter un soutien urgent à la Tunisie. Le pays suggère même que l’institution financière internationale débloque des fonds à tout prix, même en l’absence d’accord. Bien que cela soit hautement improbable, cela illustre une tension accrue et la perception à l’étranger de la crise financière que traverse la Tunisie. L’Italie ne peut pas se permettre une crise migratoire majeure, alors même que le pays lutte contre ses propres difficultés financières et son niveau d’endettement très élevé.
L’approvisionnement en énergie est un autre risque important auquel l’Italie serait confrontée en cas de défaillance financière de la Tunisie. Le gazoduc TransMed, qui achemine le gaz algérien vers l’Italie, passe en effet par la Tunisie.[24] La guerre faisant rage en Ukraine, de nombreux membres de l’UE ont dû trouver de nouvelles sources d’approvisionnement en gaz et réduire considérablement, voire totalement, leur dépendance vis-à-vis du gaz russe. L’Algérie est désormais le principal fournisseur de gaz de l’Italie.[25] C’est pourquoi Kais Saied estime que la Tunisie jouit désormais d’un nouveau statut stratégique. En outre, les projets d’échanges d’électricité renouvelable entre l’Italie et la Tunisie sont essentiels pour les entreprises italiennes. Ces projets confortent en effet les ambitions italiennes de devenir un important fournisseur d’électricité renouvelable en Afrique du Nord. Dans ce contexte, l’Italie est en train de devenir la première partenaire commerciale de la Tunisie, détrônant ainsi la France.[26] En additionnant tous ces éléments du point de vue tunisien, il est facile d’imaginer comment la perception par le Président de l’importance de la Tunisie pour ses partenaires européens peut l’amener à parier que son pays est “trop important”, ou “trop effrayant” pour sombrer.
Il en va de même pour les partenaires de la Tunisie au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. La région connaît en effet des changements rapides dans ses structures d’alliances. L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU) sont au centre de nombreuses initiatives à la fois politiques et financières, car ces pays deviennent des sources alternatives fiables de financement pour les pays en difficulté. Leurs prêts soutiennent les réserves de change de l’Égypte tandis que sa balance des paiements se détériore, et que sa monnaie perd de la valeur par rapport au dollar et à l’euro. En 2022, la Banque centrale égyptienne a reçu des dépôts de réserve d’un montant de 13 milliards de dollars de la part de l’Afrique du Sud et des EAU. La même méthode est appliquée avec la Turquie, puisque le président Erdogan contraint sa banque centrale à maintenir des taux d’intérêt réels négatifs alors que l’inflation augmente et que la livre turque chute rapidement. Le 6 mars, la banque centrale de Turquie a reçu un dépôt de 5 milliards de dollars de la part de l’Arabie saoudite. Au cours des mois précédents, la Turquie a perçu des dizaines voire des milliers de milliards de dollars du Qatar et des EAU. En outre, les relations commerciales de la Tunisie ont considérablement évolué au cours des deux ou trois dernières années, reflétant les influences changeantes de ses relations extérieures, dont les échanges avec l’UE qui ont augmenté de 30 % en 2022. Cette augmentation saine cache une réalité qui évolue rapidement : les volumes d’échanges avec l’Algérie et les EAU ont plus que doublé, tandis que les échanges avec l’Afrique du Sud, l’Inde, la Turquie et la Libye ont augmenté de plus de 50 %.[27] On peut donc facilement imaginer le président se demander “pourquoi pas nous ? Nous avons besoin de si peu pour éviter la défaillance financière ! Ils ne nous laisseront pas tomber pour si peu…”
La récente arrestation de Rached Ghannouchi, chef du parti islamiste Ennahda et président de l’ancien parlement, est un geste audacieux de la part du président qui a utilisé des remarques controversées qualifiées d'”incitatives” comme prétexte pour le mettre sous les verrous. Alors que le président tente de prouver l’importance de la Tunisie à ses partenaires, il fait potentiellement le pari qu’une pression accrue sur les Frères musulmans serait perçue favorablement par ceux qui sont les plus sensibles à cette menace, à savoir l’Arabie saoudite et les EAU. Ces derniers mois, les deux pays ont en effet durci leurs conditions d’obtention de nouveaux financements. Des exigences strictes ont été communiquées au président égyptien concernant les plans de privatisation des entreprises publiques, et les progrès réalisés dans le cadre des engagements de réforme jugés trop lents ou hésitants.[28] Les deux pays ont déclaré qu’ils ne participeraient à un nouveau financement pour la Tunisie que si un accord avec le FMI était confirmé et signé.
La stratégie présidentielle va-t-elle payer ?
La réponse courte est oui, dans une certaine mesure. Les négociations avec le FMI semblent s’être poursuivies même après la déclaration du président Kais Saied. Si les réformes financières et fiscales à mettre en place resteront de grande ampleur, la période de mise en œuvre pourrait être prolongée afin de rendre l’ajustement moins soudain et moins douloureux. Cependant, le temps est un facteur décisif. Le déficit de financement décrit ci-dessus laisse présager un défaut de paiement dans les prochains mois. Aucun des pays qui financent la Tunisie ne prendrait la responsabilité de déclencher un défaut de paiement, mais les obligations internationales arrivant à échéance cette année et l’année prochaine doivent être remboursées, sous peine de provoquer un défaut de paiement. La tentation d’utiliser les réserves de la banque centrale devient l’un des plus grands dangers dans ce contexte. Ces réserves s’élevaient à 7,12 milliards de dollars à la fin 2022, contre 8 milliards de dollars fin 2021. Il y a quelques jours, la Banque centrale a publié un communiqué au sujet de la diminution des réserves, les situant à 93 jours d’importations,[29] juste au-dessus du seuil critique de 90 jours en dessous duquel une dépréciation accélérée du dinar tunisien pourrait commencer. La loi de 2016 sur la Banque centrale[30] interdit à l’institution de consentir à un prêt interne pour financer la dette du gouvernement. Le Président pourrait être tenté de contourner cette règle afin de se donner plus de temps pour poursuivre sa stratégie “too important to fail”, en repoussant l’échéance des paiements des obligations internationales et en utilisant les réserves de la banque centrale, au moins pour l’échéance la plus proche des 500 millions de dollars à rembourser en 2023. Il suivrait ainsi les traces du président Erdogan, qui a tordu les bras des gouverneurs successifs de la banque centrale en les forçant à appliquer une politique monétaire conforme à son programme politique des “Erdoganomics”, qui cause un certain nombre de dégâts dans l’économie.
Mais le président Kais Saied risque de commettre une erreur fatale qui précipiterait la Tunisie dans le gouffre.
La Tunisie peut éviter le défaut de paiement, sauf initiative désastreuse concernant l’indépendance de la banque centrale et l’utilisation des réserves. Le président Saied et son gouvernement revendiqueront probablement la victoire si le FMI assouplit le calendrier de mise en œuvre des réformes conditionnant son nouveau programme de financement, même si l’essentiel des réformes est maintenu. L’accord final pourrait révéler un certain marchandage entre le crédit-temps et la profondeur et l’intensité des réformes. Malgré un accord potentiel qui permettrait d’éviter un défaut de paiement, l’économie tunisienne et le contrat social qui la sous-tend sont en faillite. Un accord avec le FMI créera l’espace nécessaire pour mettre en œuvre les réformes demandées et améliorer les équilibres budgétaires, mais seulement pour les prochains cycles budgétaires. Si le modèle économique et le pacte social qui l’accompagne ne sont pas structurellement modifiés pour permettre un taux d’activité économique beaucoup plus élevé – disons une augmentation du PIB de 4 à 5 % pendant plusieurs années, la Tunisie aura probablement besoin d’un nouveau programme de sauvetage du FMI dans 3 ou 4 ans. Il convient de noter que depuis 2011, aucun parti politique, lobby d’entreprises ou syndicat n’a proposé un projet de réforme qui remette en cause celui proposé par la Banque mondiale et l’UE. Cet échec ne doit rien au président Kais Saied, au contraire, son arrivée au pouvoir pourrait bien en être la conséquence directe.
Une économie en faillite qui détruit les aspirations démocratiques
Dans un précédent article,[31] nous avions analysé comment les tendances financières observées depuis la “révolution” de 2011 ont détruit le cadre démocratique formel et institutionnel incarné par la constitution de 2014. Nous avons montré que ces tendances étaient flagrantes tout au long des dix années précédant l’élection très populaire de Kaïs Saied à un siège présidentiel alors sans pouvoir, et depuis la prise de pouvoir pas si “surprenante” qui s’en est suivie en 2021.
Le taux de chômage reste invariablement élevé et culmine à 15,5 %,[32] et aucun progrès significatif n’a été enregistré à ce sujet au cours des 30 dernières années. Le chômage était au même niveau dans les années 1990. Le chômage des jeunes est pire encore, avec plus de 38 % à la fin de 2022,[33] et le chômage des femmes reste toujours plus élevé que celui des hommes. En outre, l’économie génère des taux de chômage plus élevés dans les catégories de l’enseignement supérieur.[34] En outre, le niveau d’emplois formels (définis par la Banque mondiale comme bénéficiant d’une couverture sociale) est le plus faible pour les catégories de population sans formation supérieure, et où le taux de chômage est le plus bas.[35] Enfin, les taux de chômage dans les gouvernorats du centre et du sud du pays sont plusieurs fois supérieurs à celui du Grand Tunis, ce qui témoigne d’une dangereuse fracture qui ne cesse de s’aggraver depuis 2011.[36] Les charges sociales et salariales ont augmenté depuis 2011 pour atteindre des niveaux insoutenables. En conséquence, les ratios de dépenses publiques ont atteint 35 % du PIB en 2022.[37] En outre, les dépenses courantes ou de consommation ont encore davantage augmenté au détriment des dépenses d’investissement, ce qui limite le potentiel de croissance de l’économie.[38] À cela s’ajoute la gestion désastreuse des entreprises d’État du pays, qui génèrent d’énormes pertes d’exploitation, aggravant encore la situation déjà critique des finances publiques. Avec près de 10 % du PIB et 2,5 % de l’emploi total, leur rôle est si prépondérant dans l’économie qu’elles contribuent de manière significative au déficit public. Leur dette cumulée a atteint le chiffre stupéfiant de 40 % du PIB en 2019. Les entreprises d’État ont conjointement perdu la majeure partie de leur capital entre 2016 et 2019.[39]
L’État hypertrophié finit par occuper une part importante d’une économie qui vit sur une dette croissante pour financer des entreprises d’État et des niveaux de consommation considérables, tout en étouffant l’investissement et la productivité. Les indicateurs mesurant les dynamiques de recherche et développement, l’innovation et la formation indiquent tous des baisses significatives d’activité depuis la révolution de 2011.[40] Alors que tous les moteurs de l’économie tunisienne génèrent des déficits, le pays est confronté à un autre défi de taille. La structure démographique de sa population va bientôt changer et affecter l’ensemble de la société. Le taux de dépendance des personnes âgées[41] (la population âgée de plus de 65 ans dépendant de la population active entre 15 et 64 ans, selon la définition du recensement des Nations Unies) va augmenter à un rythme accéléré au cours des deux prochaines décennies, entraînant d’importants nouveaux besoins de financement et de dépenses sociales. Depuis 2011, le taux de dépendance des personnes âgées est passé de 10 % à 13,27 % de la population active.[42] Bien qu’il ait déjà augmenté, le taux d’accroissement de cette catégorie de population commence à s’accélérer. Le nombre de retraités va tripler au cours des 20 prochaines années, et le taux de dépendance des personnes âgées dépassera les 50 % d’ici la fin du siècle. Ces tendances constitueront un défi de taille pour l’économie et la société dans son ensemble, selon les calculs des récentes études démographiques publiées par les Nations unies.[43] Le pays, dont la dette est très élevée, est dangereusement mal préparé à ce qui l’attend.
L’économie est en faillite. Le pays semble condamné à naviguer entre l’usure et les menaces financières successives. Un contexte qui ne permet pas à la politique coopérative de prospérer. L’avilissement constant de l’Etat, la destruction de son autorité depuis 2011 conduisent inexorablement à l’effondrement final de l’illusion de la démocratie parlementaire. L’aggravation des déficits est le miroir financier d’une “décennie perdue” de décisions différées par les majorités politiques successives. Certains observateurs doutent qu’aucun président ou gouvernement depuis la chute de Ben Ali ait jamais eu l’intention de procéder à des réformes audacieuses. Le décalage entre la perception et la réalité est une caractéristique durable de la société tunisienne.[44] Mais dans toutes les sociétés, aucun homme ou femme politique ne souhaite se voir contraint de gérer des déficits croissants, des réductions de dépenses et des pertes financières. La situation actuelle est le résultat logique – et, de notre point de vue, prévisible – de toutes les tendances économiques des années écoulées depuis 2011.
Des changements structurels dans l’économie constituent la seule voie vers une véritable démocratie
Au cours des 23 dernières années, la croissance moyenne à long terme de la Tunisie était d’environ 2,7 %. Le PIB par habitant a stagné après 2011, puis diminué à partir de 2014.[45] Un modèle de croissance peu reluisant qui s’est appuyé sur une dette grandissante pour parvenir à ce résultat lamentable. Aucun accord de financement à court terme du FMI – à supposer qu’un accord soit finalement conclu – ne pourra changer les problèmes fondamentaux du modèle économique du pays. Comme toutes les solutions passées, un tel accord ne ferait que différer les décisions douloureuses mais nécessaires pour que l’économie tunisienne atteigne un niveau de croissance plus élevé, constamment supérieur à 4,0% sur plusieurs années. Ce n’est qu’à cette condition que le PIB par habitant pourra augmenter durablement, et que le poids relatif de la dette pourra diminuer. Les structures étatiques et économiques ayant conduit la Tunisie dans l’impasse où elle se trouve actuellement trouvent leurs origines dans l’État forgé pendant l’ère Bourguiba. Ces structures ont fait leur temps. Elles sont obsolètes et inaptes à faire face aux défis actuels et futurs auxquels la Tunisie est confrontée, selon le professeur Hachemi Alaya, éminent économiste et historien, dans son dernier livre intitulé “Le modèle tunisien”.[46]
L’histoire du pays est telle que tout changement structurel dans l’économie nécessitera une profonde restructuration de l’État lui-même.
L’ambition et les coûts d’une telle transition sont certainement beaucoup plus élevés que n’importe quel programme de financement actuel du FMI, et pourraient atteindre de nouveaux besoins de financement plus proches de 15 à 20 milliards de dollars, un montant qui dépasse de loin les programmes actuels et passés. Toutefois, cet effort ne viserait pas seulement à corriger les erreurs du passé et les éventuelles impasses financières. Il devrait impliquer de vastes programmes d’investissement conçus pour faire prendre à l’économie tunisienne une voie très différente. Des niveaux de croissance plus élevés dépendront d’un développement cohérent du capital humain et d’un renforcement du rôle et de la part d’un véritable secteur privé, loin des groupes monopolistiques en quête de rentes qui exercent une telle emprise sur l’économie aujourd’hui. Une vaste entente devrait être négociée, en s’appuyant sur de nouveaux accords de productivité du travail, et sur une transition énergétique accélérée vers les énergies renouvelables. Il en résulterait une augmentation significative de la part des dépenses d’investissement dans le budget au détriment de la consommation pure, ce qui inverserait les mécanismes ayant conduit à l’impasse actuelle.
La transition énergétique peut contribuer à réduire une source importante de déficits cumulés : les coûts des subventions énergétiques ont augmenté de manière significative ces dernières années, et ont beaucoup contribué à la détérioration accélérée des finances publiques depuis 2015.[47] Une étude publiée en août 2022 par l’économiste Imen Louati pour la Fondation Rosa-Luxembourg sur le mix énergétique du pays met en évidence un changement important de la dépendance énergétique à partir du début des années 2000, quand la Tunisie est devenue importatrice d’énergie. La hausse mondiale du cours du pétrole dans les années 2000 a entraîné une accélération des déficits et mis en péril la situation financière de la Société Tunisienne d’Électricité et de Gaz (STEG). Une accélération significative de l’exploitation des sources d’énergie renouvelables devrait constituer un projet national clé. Les initiatives déjà en cours devraient être re-étudiées et leur financement matériellement augmenté, pour permettre au pays d’atteindre son objectif apparemment ambitieux de réduire sa consommation de carbone de 40% au cours des 20 prochaines années.[48] Une réduction drastique des droits de douane permettrait la diminution des barrières au commerce international et stimulerait l’activité du secteur privé, selon les simulations réalisées par l’OCDE. L’impact sur le PIB et sur l’emploi serait positif après seulement quelques années.[49] Mettre en œuvre un nouveau cadre de gouvernance dans les entreprises d’État, comparer les ressources et les dépenses dans des secteurs industriels comparables, créer des liens entre les niveaux de rémunération générale et les performances des entreprises par rapport aux objectifs et aux critères sectoriels, lutter contre la corruption dans les ports, mettre en place des programmes cohérents et continus de formation technique et de recherche et développement,… Toutes ces actions combinées amélioreraient sensiblement la position concurrentielle du secteur privé et favoriseraient les entreprises orientées vers l’exportation, ce qui générerait alors un impact positif direct sur les balances extérieures du pays sur une période de 3 à 5 ans. La somme de ces changements entraînerait une augmentation de 30 à 50 % des niveaux de base du PIB selon les études de l’OCDE, et probablement beaucoup plus selon nous.
Le régime de change actuel repose lui aussi sur un cadre obsolète. Cela constitue un obstacle supplémentaire au développement du secteur privé, en raison des barrières aux flux de capitaux internationaux et au commerce. La réforme du régime de change, bien qu’attendue, n’est pas encore mise en œuvre. La situation actuelle pousse la Banque centrale à adopter une politique défensive de protection des réserves. Un régime plus flexible et axé sur le marché – même s’il est réglementé – aurait un impact sur les balances commerciales et favoriserait les ajustements de prix, à condition que les effets négatifs sur les catégories de population les plus fragiles soient compensés par des protections ciblées et des dispositifs de subvention.
Les politiques fiscales, en particulier celles qui sont régressives comme la TVA, devraient être révisées et orientées vers des politiques progressistes en augmentant la protection des centiles inférieurs de revenus, tout en augmentant les recettes fiscales provenant des catégories supérieures de revenus. Parallèlement à la révision de la fiscalité, de nouveaux financements importants devraient être alloués à un plan cohérent de lutte contre l’évasion fiscale, qui sévit dans tous les secteurs. Un niveau de croissance plus élevé du PIB faciliterait la réalisation de cet objectif.
Le secteur financier est un autre domaine dans lequel des modifications du cadre réglementaire peuvent apporter des améliorations significatives. Les études sectorielles montrent que la prédominance des emprunts du gouvernement et des déficits des entreprises publiques a un effet d’éviction sur les besoins de crédit du secteur privé. Comme la loi de 2016 limite la capacité de la Banque centrale à financer les déficits publics, cette dernière peut recourir au financement des banques privées et publiques par l’émission de bons du Trésor. Le secteur bancaire est bien capitalisé avec des ratios réglementaires Tier 1 élevés, il peut donc supporter une augmentation des prêts au gouvernement, même si le coût du risque de ces stratégies augmente. Au cours des dernières années, les performances du secteur sont restées bonnes alors même que la situation financière du pays se détériorait.[50] Une révision du cadre de prêt, avec de nouvelles exigences en matière de ratio de capital, qui refléteraient les priorités de développement du secteur, et la limitation des prêts aux entreprises d’État sous-performantes et aux souscriptions de bons du Trésor de l’État, permettraient de mieux orienter le bilan vers le secteur privé.
Quel que soit le modèle de réforme choisi, il devra marquer une rupture majeure avec l’ancien modèle bourguibien.[51] Le nouvel Etat sera un investisseur plus qu’un consommateur, et un partenaire du secteur privé plutôt qu’un concurrent. Les ressources de soutien et de subvention seront beaucoup plus ciblées, pour protéger les catégories fragiles de population les moins bien armées pour faire face à l’impact des réformes à venir. La défense d’une telle vision susciterait l’intérêt de l’UE et des institutions financières internationales telles que la Banque mondiale et le FMI, car elle vise à mettre en place un modèle économique plus durable, et donc moins sujet à des “ajustements structurels” récurrents. Cette “révolution” économique et sociale a peu de chance de se concrétiser si elle n’est pas portée par une vision politique audacieuse, et largement partagée par la société tunisienne. Les citoyens ne soutiendront jamais un programme de réformes résolues et douloureuses si leurs dirigeants ne parviennent pas à partager, expliquer et mobiliser autour d’un projet collectif. Une approche solide et pensée à long terme est désespérément nécessaire, et ne peut être imposée par le haut par un État autoritaire. Seul un processus démocratique cohérent peut aboutir à un mouvement de type “yes we can”.
Conclusion : dépasser la “victoire tactique” vers la démocratie
La Tunisie pourrait bien éviter le probable défaut de paiement qui se dessine pour les prochains mois. Les négociations actuelles avec le FMI et l’UE pourraient donner au président l’illusion d’une victoire à court terme, accompagnée de conditionnalités plus légères. Mais aucune victoire “tactique” ne pourra remettre en question la faillite effective sous-jacente de l’économie. Elle ne fera qu’accentuer une pression croissante sur les franges les plus fragiles de la population. La probabilité de devoir recourir à de futurs programmes de financement de sauvetage reste donc élevée.
Un plan économique plus ambitieux, basé sur des changements structurels du modèle économique et du contrat social lui-même, peut offrir une nouvelle vision de l’État pour remplacer celui dont l’utilité historique est désormais périmée – en réalité, c’était déjà le cas bien avant la révolution de 2011. L’engagement d’un segment aussi large que possible de la société, notamment des jeunes entrepreneurs et des agriculteurs, est le seul espoir de faire accepter des sacrifices qui seront douloureux. Le glissement actuel vers un régime autoritaire n’est pas adapté à un tel objectif. La réponse autoritaire se heurtera à une forte résistance et à une fuite croissante des capitaux et des personnes. Les tactiques défensives et la répression suivront comme la nuit suit le jour. Le pays s’appauvrira et sera incapable de jouir des libertés fondamentales. Annalena Baerbock, ministre allemande des Affaires étrangères, a déclaré le 21 avril, à la suite des nombreuses arrestations politiques en Tunisie, que “la démocratie tunisienne ne doit pas être perdue”.[52] Nous lui demandons alors, ainsi qu’à nombre de ses collègues et à la gouvernance de l’UE, de reconsidérer leur analyse du pays qu’ils semblent si désireux d’aider. L’UE devrait cesser de s’en tenir à la validation des programmes du FMI, et prendre l’initiative de promouvoir et d’encourager une refonte ambitieuse de la structure économique du pays en partageant son “expertise” démocratique reconnue chez elle. L’UE peut encourager et soutenir les investissements dans le capital humain, la recherche et le développement et la transition énergétique, tous indispensables à la transformation nécessaire du pays. Mme Baerbock et tous ses partenaires devraient reconnaître que pour être perdue, encore faut-il que la démocratie tunisienne ait jamais existé. Elle reste à trouver, et la crise actuelle pourrait être transformée en une opportunité de se lancer à sa recherche.
[1] Bassem Snaije est professeur associé à Sciences Po Paris et directeur associé de Cosmos Advisors, une société de conseil.
[2] Francis Ghiles a été correspondant du Financial Times pour l’Afrique du Nord et chercheur associé à l’Institut d’études internationales de Barcelone. Il est actuellement membre du King’s College à Londres.
[3] Le Monde – New York Times
[4] Le Monde https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/03/27/au-large-des-cotes-tunisiennes-les-naufrages-de-migrants-se-succedent_6167079_3212.html
[5] https://frontex.europa.eu/media-centre/news/news-release/detections-in-the-central-mediterranean-more-than-doubled-in-the-first-two-months-of-2023-wKyDkV
[6] Le Monde https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/04/04/en-tunisie-chaima-issa-premiere-femme-prisonniere-politique-sous-le-regime-de-kais-saied_6168206_3212.html
[7] https://news-tunisia.tunisienumerique.com/tunisia-exclusive-libya-distributes-food-aid-to-tunisia-video/
[8] Snaije, Bassem et Ghiles, Francis. “Les raisons pour lesquelles la Tunisie mérite un soutien plus fort de l’Union européenne” RLS Afrique du Nord, Fondation Rosa-Luxembourg, https://rosaluxna.org/fr/publications/les-raisons-pour-lesquelles-la-tunisie-merite-un-soutien-plus-fort-de-lunion-europeenne/
[9] “Conseil des Affaires étrangères : Remarques du Haut Représentant Josep Borrell lors de la conférence de presse” EEAS, Foreign Affairs Magazine, 20 mars 2023, https://www.eeas.europa.eu/eeas/foreign-affairs-council-press-remarks-high-representative-josep-borrell-press-conference-0_en [En anglais].
[10] Base de données Bloomberg.
[11] Damodaran, Aswath. “Country Default Spreads and Risk Premiums.” Welcome to Pages at the Stern School of Business, New York University, Stern Business School New York University, janvier 2023, https://pages.stern.nyu.edu/~adamodar/New_Home_Page/datafile/ctryprem.html.
[12] “Les services du FMI parviennent à un accord au niveau des services avec la Tunisie au titre du mécanisme élargi de crédit” FMI, Service Communication et Média du FMI, 15 octobre 2022, https://www.imf.org/fr/News/Articles/2022/10/15/pr22353-tunisia-imf-staff-reaches-staff-level-agreement-on-an-extended-fund-facility-with-tunisia.
[13] “Rating: Tunisia Credit Rating 2023.” Countryeconomy.com, Country Economy, https://countryeconomy.com/ratings/tunisia
[14] Ibid.
[15] https://www.fitchratings.com/research/sovereigns/tunisia-rating-action-report-29-03-2023
[16] http://www.finances.gov.tn/fr/telechargement?field_secteur_et_domaines_target_id=80&title=
[17] https://www.todayonline.com/world/debt-crunch-looms-weaker-economies-wall-bond-maturities-ahead-2147896
[18] http://www.finances.gov.tn/sites/default/files/2023-01/0002_0.pdf
[19] https://www.reuters.com/world/africa/tunisian-president-rejects-imf-dictats-says-public-peace-not-game-2023-04-06/
[20] Verhoeven, Harry. « Tunisian Phosphates and the Politics of the Periphery » Environmental Politics in the Middle East. Etats-Unis, Presses universitaires d’Oxford Incorporated, 2018, pp.53-75.
[21] Groupe de la Banque mondiale. “Un nouveau projet de la Banque mondiale va aider la Tunisie à renforcer sa sécurité alimentaire”, Banque mondiale, Groupe de la Banque mondiale, 30 juin 2022, https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2022/06/28/new-world-bank-project-addresses-food-security-challenges-in-tunisia
[22] Ghiles, Francis. “Peace at a Price for Feuding Tunisian Regime.” Financial Times, 1 février 1984, p. 3. ; Financial Times Historical Archive, link-gale-com.ezpaarse.univ-paris1.fr/apps/doc/HS2304485706/FTHA?u=usparis1&sid=bookmark-FTHA&xid=bc944599. Consulté le 30 avril 2023.
[23] Ghiles, Francis. “Uphill Task for Tunisia to Restore Harmony.” Financial Times, 9 janvier 1984, p. 2. Financial Times Historical Archive, link-gale-com.ezpaarse.univ-paris1.fr/apps/doc/HS2305600763/FTHA?u=usparis1&sid=bookmark-FTHA&xid=47578037. Consulté le 30 avril 2023.
[24] Nova, Redazione Agenzia. “The International Monetary Fund Freezes Saied: The 1,9 Billion Loan Is Postponed and Now Tunisia Risks Default.” Agenzia Nova, 15 décembre 2022, https://www.agenzianova.com/en/news/tunisia-fmi-gela-il-presidente-saied-slitta-il-maxi-prestito-e-ora-il-paese-rischia-il-default/.
[25] Ghiles , Francis. “As North African Energy Links Are Redrawn, Italy Becomes Europe’s Southern Gas Hub.” CIDOB, CIDOB, juillet 2022, https://www.cidob.org/ca/publicacions/series_de_publicacio/notes_internacionals/276/as_north_african_energy_links_are_redrawn_italy_becomes_europe_s_southern_gas_hub.
[26] Agence Ecofin. “Tunisie : L’Italie s’impose comme premier partenaire commercial en 2022 devant la France.” Agence Ecofin, 23 janvier 2023, https://www.agenceecofin.com/commerce/2301-104728-tunisie-l-italie-s-impose-comme-premier-partenaire-commercial-en-2022-devant-la-france.
[27] https://www.tap.info.tn/en/Portal-Economy/15931959-tunisia-s-foreign
[28] https://www.nytimes.com/2023/04/02/world/middleeast/no-more-blank-checks-saudi-arabia-clamps-down-on-regional-aid.html?smid=nytcore-ios-share&referringSource=articleShare
[29] https://www.tap.info.tn/en/Portal-Economy/16187165-net-foreign
[30] Banque Centrale De Tunisie, Accueil, Banque centrale de Tunisie, https://www.bct.gov.tn/bct/siteprod/index.jsp
[31] Snaije, Bassem et Ghiles, Francis. “Les raisons pour lesquelles la Tunisie mérite un soutien plus fort de l’Union européenne” RLS Afrique du Nord, Fondation Rosa-Luxembourg, https://rosaluxna.org/fr/publications/les-raisons-pour-lesquelles-la-tunisie-merite-un-soutien-plus-fort-de-lunion-europeenne/
[32] https://www.macrotrends.net/countries/TUN/tunisia/unemployment-rate
[33] https://www.statista.com/statistics/1257796/quarterly-youth-unemployment-rate-in-tunisia/
[34] Banque mondiale. “Tunisie – Diagnostic Systématique Pays : Réhabiliter la Confiance et Répondre aux Aspirations des Citoyens pour une Tunisie plus Prospère et Inclusive”, Banque mondiale, Groupe de la Banque mondiale, septembre 2022, https://documents.worldbank.org/en/publication/documents-reports/documentdetail/099619511092252155/idu0f28d09910e529043fb0990e05027c76a51d1.p.52.
[35] Ibid. p.54
[36] Ibid. pp.57-58
[37] https://www.statista.com/statistics/524531/ratio-of-government-expenditure-to-gross-domestic-product-gdp-in-tunisia/
[38] Ibid. p.64
[39] Olugbade, Oluremi Akin, et al. “State-Owned Enterprises in Middle East, North Africa, and Central Asia: Size, Costs, and Challenges.” Imfsg, Fonds monétaire international, 20 septembre 2021, https://www.elibrary.imf.org/view/journals/087/2021/019/article-A001-en.xml
[40] Banque mondiale. “Tunisie – Diagnostic Systématique Pays : Réhabiliter la Confiance et Répondre aux Aspirations des Citoyens pour une Tunisie plus Prospère et Inclusive”, Banque mondiale, Groupe de la Banque mondiale, septembre 2022, https://documents.worldbank.org/en/publication/documents-reports/documentdetail/099619511092252155/idu0f28d09910e529043fb0990e05027c76a51d1 p.37.
[41] Dependency Ratio Demographics Population Core Indicator 1. Indicator (a … Nations unies, https://www.un.org/esa/sustdev/natlinfo/indicators/methodology_sheets/demographics/dependency_ratio.pdf
[42] https://tradingeconomics.com/tunisia/age-dependency-ratio-old-percent-of-working-age-population-wb-data.html
[43] “MENA Génération 2030 – Fiche pays : Tunisie ” MENA Generation 2030 Country Fact Sheet, UNICEF , https://www.unicef.org/mena/media/4251/file [En anglais]
[44] Ghilès, Francis. “Tunisia’s Dangerous Drift.” Open Democracy, Open Democracy , 1 July 2015, https://www.opendemocracy.net/en/tunisias-dangerous-drift/
[45] https://www.macrotrends.net/countries/TUN/tunisia/gdp-growth-rate
[46] Alaya, Hachemi. Le Modèle Tunisien : Refonder L’Économie Pour Consolider La Démocratie. Éditions Arabesques, 2018.
[47] Cali, Massimiliano et Zitouna, Mohamed Habib. “Réformer les subventions énergétiques pour une économie durable” Tunisie Bulletin De Conjoncture, Groupe de la Banque mondiale, mars 2023, https://documents1.worldbank.org/curated/en/099034203282315663/pdf/IDU07a91275108aea04aa90a8910b9455001fc2f.pdf
[48] Louati, Imen. “Tunisie : de quoi la transition énergétique est-elle le nom ?” RLS Afrique du Nord, Fondation Rosa-Luxembourg, août 2022, https://rosaluxna.org/wp-content/uploads/2022/08/Transition-Energetique.pdf
[49] “Études économiques de l’OCDE : Tunisie 2022” OECD ILibrary, Éditions OCDE Paris , 4 avril 2022, https://www.oecd-ilibrary.org/fr/economics/etudes-economiques-de-l-ocde-tunisie-2022_69ef3240-fr
[50] https://www.tunisievaleurs.com/documents/Etude_sur_le_secteur_bancaire_cote_Septembre_2022.pdf
[51] Alaya, Hachemi. Le Modèle Tunisien : Refonder L’Économie Pour Consolider La Démocratie. Éditions Arabesques, 2018.