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Démocratie ou Economie? Ce qu’il faudrait changer pour sortir du blocage en Tunisie

Recherche par Maha Ben Gadha/ RLS
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Résumé

 

Dix ans après que le premier pays du monde arabe se soit soulevé contre l’injustice, l’échec du processus démocratique a placé le pays à un carrefour dangereux. Alors que la Tunisie ne s’est pas encore remise des conséquences désastreuses de la pandémie, la guerre en Ukraine pèse de plus en plus sur les perspectives économiques du pays et menace toute tentative de réforme future. Face à la flambée des prix des produits importés, au creusement du déficit commercial, au coût élevé du service de la dette, et l’assèchement des flux externes, un nouvel accord avec le FMI est présenté comme le seul moyen de résoudre la crise de la balance des paiements. Alors que l’arène politique après le 25 juillet, se concentre sur la redéfinition des termes de l’exercice du pouvoir pour les uns, et la lutte pour la légitimité pour les autres, si des leçons ne sont pas tirées de cette décennie bloquée et si des décisions économiques audacieuses ne sont pas prises pour rompre avec le passé, en parallèle avec les réformes constitutionnelles et politiques, une crise sociale sans précédent serait imminente. À la lumière des contraintes mondiales actuelles et de la feuille de route nationale pour la réforme constitutionnelle et économique, ce document tire les leçons des faiblesses institutionnelles et politiques qui ont entravé le processus démocratique, décrit les luttes de pouvoir des différents acteurs qui ont défini la trajectoire économique postrévolutionnaire, et propose des pistes de réflexion et des propositions concrètes et urgentes pour remédier à ces faiblesses à l’avenir.

 

1. Une démocratie qui n’a pas permis de révolution économique :

 

L’une des principales conclusions largement observées à propos de la transition démocratique en Tunisie est que, malgré les efforts déployés pour mettre en œuvre un modèle démocratique libéral, l’engouement pour la démocratisation n’a pas réussi à répondre aux demandes socio-économiques formulées par les Tunisiens lors des soulèvements de décembre 2010-janvier 2011. De nombreuses analyses lient la détérioration des conditions socio-économiques durant cette période à manque de volonté de la classe politique à répondre aux besoins de la population, en raison de la résurgence des querelles politiques internes (et historiques), de la bipolarisation entre islamistes et laïques, et de la corruption endémique qui a gangréné la classe politique, l’administration, y compris le système sécuritaire et judiciaire[1]. D’autres analyses[2] mettent en avant un modèle économique basé sur la rente qui a remplacé le capitalisme de connivence en vigueur sous l’ère Ben Ali[3]. En conséquence, la confiance des Tunisiens dans la classe politique et plus largement dans ces institutions démocratiques s’est progressivement érodée, exprimant un sentiment accru de votes volés et de frustration face à l’incapacité de ces institutions à opérer des changements dans la situation socio-économiques de la majorité du peuple.

Cette impasse politique est due à des facteurs complexes qui se sont croisés pendant la transition démocratique. Un des facteurs importants est la loi électorale qui a été conçue à l’origine par les acteurs politiques et les élites pour répondre aux besoins spécifiques d’une assemblée constituante afin de promouvoir la recherche d’un consensus pendant la rédaction de la constitution[4] et non pour mettre en place un régime parlementaire ou présidentiel clair. En conséquence, les différentes élections n’ont jamais permis de dégager une majorité significative et stable et ont conduit à une ère de consensus entre des coalitions incohérentes et changeantes[5].

Ce qui a encore aggravé cette situation, c’est une incohérence constitutionnelle qui avait réduit de façon drastique les pouvoirs exécutifs du président, – qui est élu au suffrage universel et sur lequel reposent les grandes attentes politiques de l’électorat – et qui, paradoxalement, a confié des pouvoirs exécutifs cruciaux au chef du gouvernement désigné par le parti vainqueur, mais qui doit obtenir un vote de confiance de la majorité du Parlement. Cela a ouvert la voie à la « politique des quotas » entre les différentes coalitions incohérentes qui ont formé les dix gouvernements post-révolution (dont trois remaniements) et a toujours donné à la classe politique une raison pour diluer ses responsabilités. Cela a également conduit à des crises continuelles entre les deux têtes de l’exécutif pour des prérogatives conflictuelles.

Pour ne citer que quelques exemples : l’article 77 de la constitution, stipule que : « le président est responsable de la détermination des politiques générales dans les domaines de la défense, des relations étrangères et de la sécurité nationale relatives à la protection de l’État et du territoire national contre les menaces internes et externes », mais il reste à la merci du chef du gouvernement pour nommer les hauts fonctionnaires[6] ou pour proposer un budget[7] pour ces missions. Les relations avec l’extérieur, étaient limitées dans le cadre des prérogatives présidentielles, aux visites protocolaires. En effet les discussions autour de la coopération bilatérale avec les pays étrangers, ou de la coopération multilatérale étaient exclusivement verrouillées par le chef du gouvernement et surtout par le ministère de la coopération internationale et le ministère des relations extérieures. Ce qui, au final, a créé beaucoup de tensions pour savoir qui décide quoi.

Un autre exemple: les accords de prêts n’étaient jamais envoyés au parlement avec leur documentation complète[8]. Ces prêts ont souvent été votés sur la base d’un seul article stipulant que le parlement a approuvé le montant de tel prêt de tel bailleur de fonds. Les accords du FMI n’ont jamais été soumis au Parlement, car ils sont considérés comme des accords techniques et n’ont donc pas la forme juridique des traités internationaux qui nécessitent l’approbation du Parlement[9]. De même, en ce qui concerne la ratification présidentielle, la constitution ne permet pas au président d’examiner, de modifier ou de désapprouver à l’avance les politiques liées aux accords de prêt dans le cadre de ses prérogatives en matière de coopération internationale. Il peut seulement refuser la ratification ou appeler à un référendum, ce qui est une procédure très coûteuse d’autant plus en l’absence d’une cour constitutionnelle qui aurait pu désamorcer ces tensions et résoudre les différends relatifs aux prérogatives constitutionnelles et aurait permis de consolider les pouvoirs régulateurs cruciaux du président, tels que la révocation d’un gouvernement ou la dissolution du parlement en cas de crise politique. C’est manifestement l’un des principaux facteurs qui ont découragé les coalitions parlementaires d’établir la cour.

Le Parlement n’a pas exercé pleinement et correctement sa fonction législative, la priorité de la législation étant constitutionnellement donnée aux propositions de l’exécutif, la majorités des projets de lois adoptées émanaient du gouvernement[10], Alors que les tâches de surveillance et de contrôle du gouvernement, ont été affaiblies par des lacunes constitutionnelles, qui ne détaillent pas les mécanismes de ce contrôle. Bien que l’article 74 du règlement interne de l’Assemblée des Représentants du peuple (ARP) stipule que l’ARP est responsable de l’élaboration de la législation qui régit les interactions des comités avec les institutions publiques et toute autre entité externe, une telle législation n’a jamais été adoptée[11]. En outre, les règles internes du Parlement ont souvent été bafouées, notamment avec le contrôle exercé par le président du Parlement sur la composition et les décisions du bureau du Parlement chargé de la planification de l’activité parlementaire, et ce dernier n’a pas eu à rendre compte de ses défaillances[12].

Parmi les seuls outils dont disposait l’opposition était de présider la commission des finances, mais cela était insuffisant, car les décisions étaient finalement imposées par la majorité représentant le gouvernement au sein de la commission. Les députés ont également été confrontés à un autre obstacle dans l’article 63 de la Constitution, qui stipule : “L’amendement ou la loi proposés ne sont pas recevables si leur adoption porte atteinte aux équilibres financiers de l’État établis par les lois de finances.” Ainsi, la recevabilité financière d’un amendement ou d’une loi est laissée à la seule appréciation du gouvernement, à savoir le ministre des finances. La plupart des amendements proposés par les députés, qu’ils soient de la coalition ou de l’opposition, ont souvent été rejetés, en raison de cette règle.

De plus L’article 129 stipule que “l’Instance du développement durable et des droits des générations futures est impérativement consultée pour les projets de lois relatifs aux questions économiques, sociales et environnementale, ainsi que pour les plans de développement “. Cette instance n’a jamais vu le jour.

Concrètement les programmes économiques des partis politiques n’étaient écrits que sur des tracts pendant les campagnes électorales, mais une fois élus, aucun programme commun au sein des coalitions gagnantes exprimant leurs visions stratégiques n’a été négocié, adopté ou mis en œuvre[13]. En ce qui concerne le processus de décentralisation, la dépendance financière des municipalités nouvellement élues à l’égard du gouvernement central, a reproduit les mêmes incohérences et n’a pas tenu ses promesses pour réduire les inégalités socio-régionales et améliorer les services publics, malgré les énormes programmes d’aide au développement dont les gouvernements ont bénéficié. Même en 2013, lorsque la Tunisie a été confrontée à sa plus profonde crise politique après l’assassinat de deux figures de proue de la gauche, Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, le dialogue national mené par le quartet n’a pas réussi à proposer une feuille de route économique en parallèle à la feuille de route politique. [14]

Cette impasse politique et constitutionnelle, à laquelle s’ajoute l’absence de la cour constitutionnelle[15], a laissé peu de chance à un changement notable du paysage politique.
Outre les troubles politiques, le pays a subi de nombreux chocs externes et internes : La guerre en Libye [16], la crise migratoire conséquente au retour de la diaspora tunisienne travaillant en Libye, les assassinats politiques, les attaques terroristes visant l’industrie touristique, les sécheresses climatiques, les augmentations des prix internationaux des matières premières, des tensions sociales continues, la chute de la production de phosphate, la baisse des revenus du tourisme le faible afflux d’IDE. Combinés, ces chocs internes et externes ont conduit à une faible croissance, un taux de chômage persistant, et un déficit croissant de la balance des paiements qui a poussé le pays à emprunter davantage à l’extérieur, et à appliquer les réformes d’austérité dictées par ses créanciers.

 

2. L’économie au-dessus de la démocratie :

 

Les débats parlementaires sont devenus une arène pour l’exposition des vices de chacun, pour les partis qui n’ont pas de programme répondant aux besoins réels de la population et une arène télévisée pour les disputes politiques et la violence à des fins électorales. Ce qui a créé les conditions du populisme, exacerbé la polarisation et renforcé l’ingérence extérieure dans la politique intérieure. Entretemps, le pilotage de l’économie a été assuré par une série de programmes d’assistance technique externe, pour adopter des lois et des décrets, en étroite collaboration entre l’administration centrale et les bailleurs de fonds internationaux.

Ces fonds frais ont permis de maintenir une démocratie de façade et empêcher son effondrement en permettant à la bourgeoisie locale et la nouvelle classe émergente d’en tirer profit, et modifier les lois économiques du pays afin qu’elles servent les intérêts des classes capitalistes imbriquées à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Les tranches de déboursement des prêts ont été fixées avec une matrice de conditions harmonisées entre les différents prêteurs[17] pour l’ancrer davantage dans une économie néolibérale et verrouiller sa position périphérique dans l’architecture financière et monétaire internationale[18] tout en protégeant les intérêts stratégiques, commerciaux et sécuritaires des pays donateurs.

Bien que différentes déclarations de représentants étrangers, mais aussi de responsables tunisiens aient déploré l’absence de mise en œuvre des réformes économiques audacieuses par la Tunisie, ces déclarations se manifestaient à chaque fois qu’une résistance aux réformes les plus douloureuses pour la population se profilait. Ces réformes économiques visaient principalement à réduire la masse salariale des employés du secteur public, (et par conséquent les principales bases de l’UGTT), et le pouvoir d’achat des Tunisiens par la hausse des impôts et taxes (et donc aussi les bases des partis politiques) dans le but de réduire le déficit budgétaire – plus précisément le déficit primaire[19] – pour permettre le remboursement de la dette. Pris entre les intérêts des créanciers internationaux et des contraintes électorales internes, la classe politique au pouvoir a oscillé entre les intérêts des premiers en approuvant les lois jointes aux accords de prêt pour recevoir des fonds, ces lois offrant plus d’avantages juridiques aux investisseurs étrangers[20], et les intérêts des deuxièmes en se rapprochant de plus en plus de la bourgeoisie locale et la nouvelle classe émergente en lui accordant des avantages économiques sous forme de licences d’importation, de permis d’extraction de ressources, de suppression d’impôts, de cadeaux fiscaux, d’amnisties pénales[21], en échange de son soutien politique et financier.

L’exécutif s’appuyait davantage sur l’appareil sécuritaire pour faire taire les voix des groupes non représentés : les chômeurs diplômés, les pauvres des régions intérieures marginalisées et les jeunes des bidonvilles urbains, les supporters des équipes de football, qui constituaient le principal bloc de résistance de la rue, avec lesquels aucun canal de négociation n’était possible, aucun processus démocratique inclusif n’était conçu pour servir leurs intérêts et dont les conditions sociales ne cessaient de se détériorer. La lutte contre le terrorisme et la coopération en matière de migration ont permis à l’exécutif d’obtenir des fonds bilatéraux supplémentaires de l’Union européenne et des États-Unis et aux différents gouvernements tunisiens ce qui a permis de consolider leur approche sécuritaire dans la résolution des tensions sociales.

Malgré les violations des droits de l’homme commises durant la période de transition, les niveaux élevés de décaissements de fonds ont été un signal pour les dirigeants de gouvernements coopératifs pour leur haut degré de détermination à mettre en œuvre les réformes demandées. En effet, le 31 janvier 2014, le gouvernement de Mehdi Jomâa a reçu le montant le plus élevé de décaissements[22] que le FMI n’ait jamais accordé dans son histoire, à la Tunisie deux jours seulement après l’approbation de son gouvernement de technocrates par l’assemblée, bien que la mission de son gouvernement consistait vraisemblablement à gérer les affaires courantes jusqu’aux élections. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, l’agitation politique, les gouvernements instables et les majorités faibles ont toujours été un levier pour les créanciers, utilisant la pression du remboursement de la dette, la dégradation du crédit, pour avancer dans les soi-disant “réformes structurelles”. Ces réformes , en réalité n’étaient pas destinées à répondre aux besoins de la population, en termes d’emploi et de vie digne, mais à assurer le remboursement de la dette et pour enfermer davantage le pays dans le modèle de dépendance structurelle dans lequel ils l’ont piégé depuis des décennies.[23]

La première phase de réformes (2012-2016) a été menée par la Banque mondiale, la BIRD, la BAD, la BERD, la BEI, la GIZ et l’USAID, et s’est concentrée sur la poursuite de la libéralisation du cadre d’investissement[24] , tandis que le FMI s’est davantage concentré sur la refonte du cadre du secteur financier et monétaire, d’abord en limitant l’intervention de la banque centrale sur le marché des changes, s’en est suivi la dévaluation de dinar, et l’adoption controversée de la loi sur l’indépendance de la banque centrale, qui a supprimé la possibilité de financer directement le déficit de l’État et a limité son rôle au ciblage de l’inflation. Cette pseudo-indépendance a transformé la banque en un outil d’accumulation de profits en accordant des privilèges injustifiés[25] aux banques privées appartenant à la bourgeoisie locale[26], qui ne financent que leurs industries et aux banques à capitaux étrangers qui permettent les transferts de bénéfices à l’étranger..

La deuxième phase de réformes (2016-2020) a été mise en œuvre pendant le programme du mécanisme élargi de crédit du FMI, qui a fixé les conditions de l’austérité, par un contrôle strict des politiques budgétaires et monétaires. Sur le plan budgétaire, afin d’assurer le remboursement de la dette (officiellement appelé rétablir équilibre financier et macroéconomique) le gouvernement Chahed (2016-2020) s’est engagé auprès du FMI à réduire le déficit primaire à 3% du PIB en 2019. Cela s’est traduit par la réduction des dépenses sociales et d’investissement, par le plafonnement des salaires, et le gel des recrutements dans les services publics (2016-2017-2018) et par la modification du barème fiscal, l’augmentation des taux d’impôts régressifs (2017 et 2018), et l’augmentation des prix d’une longue liste de produits[27] Cette pression fiscale a essentiellement pesé sur la population et sur les petites entreprises, en piétinant le principe même de l’équité fiscale consacré dans l’article 10 de la constitution[28]. Ces mesures d’austérité, ont provoqué un mécontentement croissant parmi les grandes classes vulnérables de la société face à la baisse du pouvoir d’achat.,[29] la détérioration de la qualité des services publics et la dégradation des normes de travail et des conditions de vie.[30] En 2019, la mort de 14 nouveau-nés à la maternité publique de Rabta en raison d’une infection nosocomiale causée par des défaillances humaines, puis la mort d’une douzaine de travailleuses agricoles en raison de l’insécurité des moyens de transport[31] ont déclenché des protestations dans toutes les régions de la Tunisie. Le gouvernement a été contraint de lancer des dialogues sectoriels, sur la santé, le transport et l’énergie qui n’ont abouti à rien.

La répression policière était le seul moyen de faire taire les protestations. Après l’entrée en vigueur de chaque loi de finances, chaque mois de janvier est devenu le théâtre d’abus contre les manifestants et d’arrestations de centaines de jeunes [32]. Les tensions sociales étaient si fortes que les pays de l’UE et l’administration américaine ont mis en garde leurs citoyens contre d’éventuelles émeutes et leur ont demandé d’éviter les manifestations et les foules.

Malgré cela, au cours de son mandat, le gouvernement Chahed a reçu des montants plus élevés de prêts du FMI et d’autres institutions multilatérales et bilatérales que tout autre gouvernement de la transition. Bien que la première condition pour les déboursements macro-financiers de l’UE soit le respect des droits de l’homme, il semble que la promesse d’accélérer la conclusion d’un accord de libre-échange approfondi et complet avant la fin du mandat de l’ancienne Commission Européenne ait été un argument suffisant pour que l’UE ignore cette approche répressive face aux protestations. L’accord n’a finalement pas été conclu à cause de son rejet par une large coalition nationale de la société civile[33], mais des parties de celui-ci ont été adoptées au parlement sous la forme de lois[34] permettant de recevoir des tranches de l’assistance macro financière de l’UE. Durant la même période, les fonds gelés par l’Union Européenne de la famille Mabrouk, gendre de Ben Ali ont été dégelés[35].

En termes monétaires, en raison de l’adoption des conditions du FMI, le dinar tunisien a perdu près de 40% de sa valeur, cette dévaluation a mis les entreprises publiques des secteurs stratégiques, tels que la société nationale d’électricité STEG, l’office des céréales et la pharmacie centrale, importateurs nets de produits essentiels, (Gaz, blé et médicaments) dans de profondes difficultés financières. Selon l’observatoire tunisien de l’économie, sur la période 2016-2018, l’impact cumulé du taux de change sur l’encours de la dette publique a été cinq fois supérieur au total des décaissements reçus du FMI durant la même période[36].

Malgré la saignée imposée par le gouvernement Chahed aux Tunisiens durant son mandat, pour réduire le déficit primaire, l’effet cumulé de la dépréciation du taux de change (+8,91%) et des intérêts sur le remboursement de la dette (+2,64%) sur l’accroissement de la dette publique a complètement annulé ces efforts la réduction du déficit primaire (-1,74%) au cours de la même période[37], . Le taux de croissance a oscillé entre 1,1% et 2,9%, et le taux de chômage moyen n’est jamais descendu en dessous de 15%, atteignant 33,4% chez les jeunes de 15-24 ans, le taux de pauvreté multidimensionnelle a grimpé à 28,97% de la population [38] et ce avant même le choc de la pandémie.

Puis la crise Covid-19 a frappé une économie tunisienne déjà affaiblie, avec une récession historique d’environ 9% en 2020. La crise sanitaire a touché tous les secteurs de l’économie, sur les 9 premiers mois de 2020, le tourisme et le transport ont enregistré une baisse d’activité de 42,7 % et 29,6 %, les revenus du tourisme ont ainsi chuté de 65 % entre 2019 et 2020[39]. Non éligible à l’initiative d’allègement de la dette du G20 et dépourvu d’un plan de relance adéquat,[40] et en raison de la forte résistance de la Banque centrale à financer d’importants déficits publics, des mesures très superficielles et insuffisantes ont été prises par le gouvernement tunisien pour soutenir les entreprises et les ménages pauvres. À la fin de 2020, 5,4 % des entreprises avaient définitivement fermées[41],7,7% des entreprises étaient temporairement fermées tandis que, 37,2% des entreprises ouvertes ont déclaré risquer de fermer définitivement dans ces conditions.

Ainsi, il est clair que les intérêts extérieurs n’ont jamais été de consolider la démocratie d’une manière qui servirait les demandes sociales de la majorité de la population tunisienne, ou de défier les intérêts économiques préexistants de l’Union européenne (que ce soit dans les relations bilatérales entre pays ou en tant que bloc). Les États-Unis, la Turquie et les États du Golfe tels que le Qatar, les Émirats et l’Arabie Saoudite ont également joué un rôle dans le renforcement ou la déstabilisation des pouvoirs politiques en place en fonction de leurs intérêts dans la région[42], tandis que les gardiens du capital international ont veillé à ce que le pays ne s’écarte pas des règles néolibérales imposées à tous les pays du Sud.

 

L’élection du candidat “outsider” Kais Saïed en octobre 2019, exprimait en soi l’espoir des Tunisiens de sortir le pays de l’emprise des politiciens corrompus et cupides de l’ancien régime restructuré et du nouveau régime. Cet espoir s’est rapidement heurté au blocage institutionnel décrit plus haut. Sans le soutien d’un bloc parlementaire, Kais Saied a dû faire face à des crises politiques encore plus profondes que celles de ses prédécesseurs, même lorsqu’il a réussi à imposer la nomination d’un chef de gouvernement issu de son propre cercle[43]. Les crises ont encore culminé[44] et atteint leur summum avec la mauvaise gestion de la pandémie du gouvernement Mechichi , ce qui a clairement contribué à des taux de mortalité plus élevés pendant les deux mois de juin et juillet 2021, et a précipité les décisions du président du 25 juillet de déclarer l’état d’exception, de démettre le gouvernement, de geler les activités du parlement et de le dissoudre ultérieurement, et de mettre fin au récit du “succès démocratique” qui n’a pas répondu aux besoins fondamentaux de la population. Son coup de force a été manifestement soutenu par une large frange de la population, même avec une interprétation controversée de l’article 80 de la constitution notamment parce qu’il a pu obtenir des vaccins et de l’oxygène dont avaient besoin des milliers de Tunisiens plongés dans la plus grave crise sanitaire que le pays ait connue, alors même que le chef du gouvernement passait son week-end dans l’hôtel le plus luxueux du pays. C’était la goutte de trop.

 

3. Un changement de paradigme ? L’économie après le 25 Juillet :

 

Depuis le 25 juillet, la communauté internationale exerce une pression diplomatique sur Kais Saïed afin de “restaurer la démocratie”[45]. Une pression d’autant plus forte sur le gouvernement Bouden pour qu’il parvienne à un accord avec le FMI, pour assurer la continuité de la mise en œuvre des “réformes structurelles” et recevoir de nouveaux fonds pour soutenir le pays[46]. Ces prêts en devises étrangères permettront concrètement au pays d’éviter un défaut de paiement du service de la dette extérieure et permettront de continuer à acheter des produits de l’étranger (blé, pétrole, gaz, médicaments, composants industriels, etc). En réponse à cela deux voies divergente se sont dessinées, celle du président, et celle du gouvernement. D’abord le président a annoncé une feuille de route politique en vue de tenir un référendum sur une nouvelle constitution et organiser de nouvelles élections. Sur le plan économique, il a publié trois décrets: l’un interdisant les comportements spéculatifs illégaux dans une tentative désespérée de freiner l’inflation galopante, il a également publié une loi d’amnistie promouvant les réparations socio-économiques par les individus ayant commis des crimes économiques, au profit des régions les plus pauvres, avec l’espoir que l’argent réinvesti relancera un certain dynamisme économique dans ces régions. Il a également publié une loi ambiguë sur les entreprises communautaires afin d’encourager les initiatives de développement local menées par les communautés. En outre, dans plusieurs déclarations publiques, il a ordonné un audit de la dette extérieure sans déclarer d’intention de l’annuler. Alors que la feuille de route politique s’étale sur l’année 2022, les effets économiques attendus des initiatives du président restent flous et, au mieux, leurs retombées tangibles auront des horizons plus lointains.

D’un autre côté, le ministre de l’économie et de la planification, Samir Saïed, qui a pris ses fonctions au ministère du développement, de l’investissement et de la coopération internationale, a publié un calendrier de consultations sectorielles entre les ministères, les syndicats, la société civile et les acteurs professionnels, qui seront organisées pour la préparation du plan de développement 2023-2025. Bien que la Tunisie ait pour tradition de préparer des plans de développement quinquennaux, c’est la première fois que le gouvernement travaille sur un agenda si court qui semble parfaitement aligné avec le calendrier de remboursement de la dette du pays, ce qui laisse penser que ce dialogue sera une formalité, et qu’il s’agit des programmes de réformes liés à ceux de la coopération internationale (donc des bailleurs de fonds). Dans le même temps, une équipe du gouvernement Bouden (dont le même ministre de l’économie et de la planification, appuyé par le gouverneur de la Banque centrale) a déjà présenté au FMI le programme de réformes 2022-2025. Sans discussion préalable avec les parties prenantes, il a été préparé par l’administration, comme d’habitude, puis présenté au public lors d’une conférence de presse. Le plan n’est pas différent des réformes des gouvernements précédents : l’objectif est d’atteindre un excédent primaire d’ici 2026 pour rembourser la dette.: il contient la même rhétorique d’encouragement de l’investissement par la suppression des autorisations, et la même approche comptable de réduction du déficit primaire par la réduction de la masse salariale du secteur public, la suppression des subventions et leur remplacement par un ciblage par des transferts aux plus pauvres. En d’autres terme la stabilisation des équilibres macroéconomiques est seulement centrée sur la réduction du déficit budgétaire, par la recherche d’un excèdent primaire, ce qui exclue d’emblée la possibilité d’une renégociation de la dette, la charge de cet ajustement sera nécessairement portée par les payeurs d’impôts.

Avant même que la guerre russe n’éclate, sans aucune évaluation préalable de l’impact de la hausse des prix du pétrole, ou de l’impact de la levée des subventions sur certains produits, sur l’inflation le gouvernement Bouden a déjà décidé d’élever les prix du pétrole à la pompe sur une base mensuelle, du tabac, du sucre, et de l’électricité, afin de pouvoir venir à la table des négociations avec le FMI.

En dépit du discours critique du président envers les agences de notation, et son rejet ferme de l’ingérence étrangère et la priorisation dans de la “volonté du peuple”, son gouvernement continue de promouvoir les mêmes arguments de ” réformes nécessaires” que la Tunisie devra implémenter. Il ne s’agira pas de supprimer les subventions mais de les orienter vers les plus nécessiteux, il ne s’agira pas de vendre les entreprises publiques mais de revoir le rôle de l’état dans les secteurs stratégiques. Des ratios comptables, tels que la masse salariale/PIB, sont souvent évoqués, pour souligner le poids injustifié du secteur public dans l’économie et de son effet d’éviction sur l’investissement. Il s’agit là d’arguments parfaits pour la bourgeoisie locale, qui considère les syndicalistes du secteur public comme les rentiers de l’Etat, dont le pouvoir devrait être réduit au profit du secteur privé local, tout comme la Banque mondiale considère que les familles et les groupes professionnels qui contrôlent des secteurs entiers sont les rentiers de l’économie tunisienne, dont les pouvoirs devraient également être réduits au profit du secteur privé international

Comme le dénominateur, le PIB, a été très faible pendant des années, il est donc très facile de recommander des mesures très concrètes pour réduire ce ratio en réduisant le nominateur, à savoir la masse salariale, en proposant de réformer le secteur public avec des plans de retraite[47], en gelant les salaires ou par des plans de départs, et la privatisation des entreprises publiques (par le biais d’une agence de gestion des actions de l’Etat). Ce ratio comptable ne fait pas de distinction entre les fonctionnaires employés dans l’armée, les forces de sécurité, l’éducation nationale et la santé publique, qui sont salariés de ces ministères et dont les salaires sont payés par le budget de l’Etat, et les employés des entreprises publiques dont les salaires ne pèsent pas sur le budget de l’Etat mais sont couverts par les revenus de ces entreprises[48]. D’autre part, une part importante des ressources budgétaires propres de l’Etat provient des retenues à la source sur les salaires des fonctionnaires, de ce fait il ne peut indéfiniment comprimer cette masse au risque de comprimer ses recettes globales, sans les remplacer par d’autres impôts, à cela s’ajoute le fait que face à la précarité de l’emploi dans le secteur privé [49], les employés du secteur public sont souvent les seules catégories qui peuvent bénéficier de prêts à la consommation ou de prêts hypothécaires et qu’ils se portent également garants pour leur familles pour d’autres formes de crédit.

Ce qu’il faut considérer, c’est que la pression pour réduire la masse salariale n’est pas un argument technique comptable aussi neutre qu’il apparaît[50], car la réduction de la masse salariale ne touchera jamais l’appareil sécuritaire. En effet, c’est le ministère de l’intérieur qui a connu la plus forte augmentation de la masse salariale au cours de la dernière décennie, tandis que la masse salariale du ministère de la santé n’a augmenté qu’en 2021 (suite à des recrutements supplémentaires pendant la crise du Covid), puis a rapidement renoué avec l’austérité à partir de 2022. Le poids de ces mesures d’austérité sera finalement supporté par les secteurs de l’enseignement public, de la santé publique et des transports publics, où l’UGTT dispose de syndicats sectoriels forts et bien structurés. Ce n’est que dans ce contexte que l’on peut comprendre les demandes du FMI de parvenir à un accord avec l’UGTT sur les réformes que la Tunisie devrait accomplir avant de s’asseoir à sa table.

Au cours de la dernière décennie, bien que l’UGTT ait été confrontée à de nombreux défis: des divisions internes à la gestion des crises politiques nationales et des luttes sectorielles, le syndicat, malgré sa nature bureaucratique, a réussi à jouer un rôle important politiquement et a pu maintenir son pouvoir de résistance sociale, car il représente la faction ayant la plus grande capacité de mobilisation contre ces réformes qui ciblent ses membres et qui peut fédérer d’autres groupes d’intérêts.

Le syndicat a joué le jeu en temps de crise en acceptant le gel des augmentations salariales pendant trois ans, en acceptant la modification du taux d’imposition et une contribution supplémentaire de 1% des travailleurs aux caisses de sécurité sociale, ce qu’il a appelé à juste titre “une répartition de la charge entre les plus pauvres”. Sauf que les principales revendications avec le gouvernement ou avec son homologue du secteur privé, la confédération des entreprises (UTICA), ont surtout porté sur le rattrapage du salaire minimum des travailleurs en l’indexant sur l’augmentation de l’inflation, ainsi que sur l’amélioration des conditions sociales de ses membres. Ces petits succès obtenus grâce aux luttes sociales de la classe ouvrière ont été anéantis par une détérioration plus intense et rapide de la situation économique du pays.

En outre, le nombre croissant de chômeurs, de travailleurs non syndiqués et de communautés marginalisées, ainsi que la jeunesse désaffectée de la classe politique, qui ne se retrouve pas dans le discours de l’UGTT axé sur le maintien des ” privilèges” des employés secteur public, malgré sa défaillance constituent aujourd’hui un véritable défi pour un dialogue inclusif sous l’égide du syndicat. Une deuxième version du dialogue national de 2013 pour lequel le syndicat (au sein du quartet) a reçu le prix Nobel de la paix, ne sera plus acceptée, d’autant plus que son rôle dans l’impulsion d’une vision économique alternative claire pour le pays a fait cruellement défaut lors de ce dialogue.

Parier sur l’accord avec la centrale syndicale pour faire avaler les réformes du FMI, c’est sous-estimer la force de nuisance des syndicats sectoriels et des sections régionales, et des autres catégories comme les agriculteurs ou les chômeurs. Parier sur la popularité de Kais Saïed pour passer ses reformes à travers le gouvernement Bouden, c’est sous-estimer les tensions sociales qui peuvent résulter et qui seront encore plus entretenues par les partis qui ont été exclus de la scène politique, cela risquerait de retrancher davantage le gouvernement dans une approche sécuritaire et de plus en plus autoritaire qui compromettrait toute possibilité de retour proche au processus démocratique pour la Tunisie et aggraverait une situation déjà très tendue.

 

4. Faire face au danger imminent : la crise de la dette et la stagflation

 

Il doit être clair pour tous les décideurs tunisiens que la position extérieure de la Tunisie est une réelle menace imminente pour tout processus démocratique ou politique. Si les institutions bilatérales et multilatérales continuent à conditionner leurs prêts à un accord avec le FMI, la Tunisie sera probablement confrontée à un arbitrage difficile entre l’utilisation de sa réserve de change pour le service de la dette, ou son utilisation pour continuer à importer du blé et du pétrole, des médicaments et d’autres composants industriels à des prix de plus en plus élevés en raison de la guerre Russe en Ukraine.

La suppression des subventions en monnaie locale[51], la privatisation des entreprises publiques, ou la suppression des barrières à l’investissement de manière non sélective, comme le recommandent les institution financières internationales ne résoudra pas le problème structurel de la balance courante qui est à l’origine de la non soutenabilité de la dette extérieure, ces recommandations ne servent qu’à l’objectif d’attirer les IDE, alors que ceux-ci sont structurellement faibles et que les déficits commerciaux sont structurellement en hausse depuis des décennies. Même si un accord avec d’autres créanciers est trouvé d’ici 2022 pour préserver la capacité de l’économie à poursuivre son “fonctionnement normal”[52] et à assurer le remboursement des tranches et des bons arrivés à maturité sur le marché international, la menace ne sera que reportée aux années suivantes (2023-2024-2025-2026), lorsque le niveau du service sera beaucoup plus élevé qu’en 2022[53] et surtout dans la situation actuelle de balances alimentaire et énergétique qui continuent à se détériorer.

Le FMI sait que le risque de stagflation qui plane sur l’Europe après le déclanchement de la guerre Russe contre l’Ukraine, et des sanctions prises par  l’UE, les États-Unis et d’autres nations contre la Russie, et les conséquences qui en résultent en terme d’augmentation des prix des matières premières et du pétrole et du gaz, ne peuvent en aucun cas être contrôlés par le gouvernement Tunisien , la banque centrale tunisienne ne peux en aucun cas réduire l’impact des décisions de hausse de taux directeurs prises par les banques centrales de ces pays. Si ceci est couplé à des mesures d’austérité imposées sur le plan budgétaire; cela ne peut qu’aggraver la situation du pays.

Cela se traduira par une diminution de la production car les entrants seront plus chers, et donc de la quantité de biens exportés et des recettes en devises, les réserves de change deviendront de plus en plus rares et seront affectées exclusivement aux biens essentiels tels que le blé et les médicaments. Avec l’assèchement continu des flux externes (suite aux coûts élevés d’accès aux marchés financiers internationaux, et la chute probable des revenus du travail des IDE), si la clause “accord du FMI en premier” n’est pas supprimée par les autres prêteurs bilatéraux et multilatéraux, cette situation poussera  le pays tôt ou tard à faire défaut sur sa dette extérieure, il ne s’agit pas là d’une exception pour la Tunisie, il s’agit d’une crise internationale de la dette qui se profile dans la plupart des pays à moyen et faibles revenus qui sont fortement dépendants des importations de blé, de pétrole et de gaz.

Les Etats membres de l’UE et les pays du G7 qui ont des défis économiques et sécuritaires importants avec les pays de la région ont tout intérêt à ne pas aggraver la situation sociale et économique de ces pays et à prendre des décisions audacieuses sous la présidence allemande, pour annuler unilatéralement une bonne partie de leur dette, la réunion qui aura lieu en juin peut être une meilleure occasion de prendre des initiatives plus concrètes que celles prises dans le cadre du G20 qui a échoué dramatiquement à proposer une initiative globale d’allègement de la dette incluant les créanciers privés au cours de 2020.

 

5. Perspectives : comment s’affranchir des contraintes externes et internes ?

 

Les décideurs tunisiens devraient envisager une stratégie à court terme pour éviter le piège de l’austérité et faire face aux pressions extérieures, parallèlement aux réformes qui devraient également permettre de jeter les bases d’une stratégie à moyen et long terme pour s’attaquer aux racines du problème de la dette.

La guerre Russe en en Ukraine, ainsi que la crise de 2008 ont montré à quel point les pays de l’UE ont des intérêts économiques différents et des stratégies différentes. Il reste cependant incertain dans quelle mesure ils peuvent agir comme un bloc cohérent vis-à-vis des pays d’Afrique du Nord. Alors que l’Allemagne est entrain de substituer sa dépendance énergétique de la Russie à d’autres pays de la région Afrique du Nord et Moyen-Orient, la France, l’Espagne et l’Italie, par exemple, devront gérer à l’avenir le flux d’immigrants d’Afrique du Nord et subsaharienne. En l’absence d’un ajustement radical de la balance des paiements, les transferts de fonds des travailleurs migrants resteront les principales sources de recettes en devises pour les pays non exportateurs de pétrole ce qui les incitera moins à coopérer en matière de contrôle d’immigration. De plus les entreprises européennes pourraient avoir du mal à travailler dans un environnement social teinté de tensions accrues et de menaces sécuritaires au sud de la Méditerranée. L’Europe, en tant que bloc ou pays individuel, a intérêt à proposer une approche différente aux pays de la rive sud de la Méditerranée, au lieu d’accroître leurs vulnérabilités. Le récent déblocage de la deuxième tranche de 300 millions d’euros de l’AMF promise lors de la crise du Covid est un premier pas dans la bonne direction, mais il est plus qu’urgent de pousser à la conclusion d’un accord plus large avec les créanciers privés pour permettre une restructuration de la dette et un plus grand soutien aux pays qui devront faire face à l’impact de la guerre.

Si le calendrier des négociations multilatérales n’est pas adapté aux menaces imminentes auxquelles le pays est confronté, et si le pays n’a pas l’opportunité politique de déclarer un défaut, les négociations bilatérales doivent être engagées avec l’Allemagne, la France et l’Arabie Saoudite (principaux créanciers bilatéraux) sur l’annulation de la dette. Il s’agit là d’une option réaliste dans l’environnement géopolitique actuel en pleine mutation, cela sera éventuellement politiquement et économiquement moins coûteux pour ces pays que les conséquences de l’inaction. Aussi, il est essentiel de renforcer les liens stratégiques avec l’Algérie pour sécuriser l’approvisionnement en gaz et réduire la facture énergétique, un accord bilatéral pourrait être une solution pour réduire la dépendance à l’égard des devises étrangères pour acheter du gaz Un accord bilatéral d’échange de devises entre les deux banques centrales pourrait être une solution pour réduire la dépendance aux devises étrangères pour l’achat de gaz. Accroitre les échanges avec la Libye qui constitue un important marché pour l’agriculture tunisienne et le secteur de construction est primordial dans l’immédiat. La Tunisie a également intérêt, dans le contexte des prix élevés des huiles végétales, à négocier une suppression unilatérale de la limitation des quotas annuels pour l’huile d’olive tunisienne et en particulier l’huile en bouteille, notamment dans la perspective d’une bonne récolte pour 2022-2023.

Sur le plan interne, Il est essentiel d’inverser la priorité accordée au service de la dette extérieure dans l’élaboration des politiques, pour se concentrer sur une économie plus résiliente qui assure la création d’emplois, la création de valeur et une rémunération décente à l’intérieur du pays, ce qui incitera finalement la population à ne pas immigrer.

En d’autres termes, les mesures d’austérité seront la balle qui tuera tout programme de relance. Les dépenses publiques ne sont pas une question neutre, il s’agit d’un choix stratégique qui doit répondre aux objectifs de souveraineté alimentaire et énergétique, elle doit répondre d’abord aux besoins des Tunisiens et non aux priorités des créanciers et des donateurs internationaux, les dépenses publiques devraient avoir un horizon temporel plus long que celui du cycle de remboursement de la dette et un objectif quantifiable et contrôlable en termes de bien-être qui devrait être généré et de sa juste redistribution.

La Tunisie devrait donc soutenir en premier lieu donc son agriculture et ses agriculteurs, par de larges programmes de dépenses publiques pour sécuriser la récolte de blé et d’orge, les récents bons niveaux de précipitations est un facteur relativement positif qui permettra de sauver la récolte de cette saison, mais ce n’est pas suffisant en raison des sécheresses persistantes, et avec l’accélération de la catastrophe climatique, une bonne gestion des ressources en eau est essentielle, ainsi que l’amélioration de la capacité de stockage qui devrait être géré localement, pour réduire les coûts de transport.

Il est essentiel de s’abstenir de prendre des décisions inadéquates susceptibles d’augmenter localement les prix. Des mesures coercitives renforcées contre la spéculation, et les positions dominantes doivent être appliqués, de manière très stricte et non abusive pour qu’elles ne se transforment pas en une chasse aux sorcières, qui pourrait finir par décourager les investissements dans les activités de stockage et de distribution.

Gérer les gaspillages des ressources, réglementer les professions intermédiaires comme le transport agricole, les marges bénéficiaires intermédiaires dans les secteurs agricoles, la planification préalable sur les prix et les quantités. Assurer une distribution équitable de l’eau et des engrais, garantira la viabilité des filières et réduira les pressions inflationnistes internes à court et moyen terme, dépenser pour contenir l’inflation, sera plus efficace que de relever le taux directeur pour contracter le crédit et la consommation sans remettre en cause la nature de cette consommation. D’un autres coté les dépenses publiques doivent permettre de renforcer la capacité des pays à faire face aux chocs climatiques, les comités de gestion des catastrophes doivent être renforcés par tous les moyens logistiques et financiers pour prévoir et éviter les catastrophes (comme les maladies qui affectent les cultures, les incendies qui peuvent être causés par des températures élevées, ou les inondations) Il est aussi primordial de supprimer les cadeaux fiscaux et les subventions aux activités d’exportation et aux cultures consommant beaucoup de ressources (eau et énergie), et les remplacer par un programme d’aide ciblée pour une agriculture durable, dans les régions affectées particulièrement par les sécheresses et les changements climatiques, ce qui permettra de limiter les vulnérabilités aux chocs externes de réduire la dépendance aux produits importés. C’est ce que devrait signifier de cibler les subventions sur ceux qui en ont besoin.

Les abattements fiscaux, les dépenses publiques et la planification du crédit devraient cibler en premier lieu les ménages et les PME pour réduire la pression fiscale qui leurs est imposée, et les inciter à transformer leurs habitudes de consommation, et servir la transformation écologique. Par exemple, les subventions à l’investissement fournies par l’autorité de haut niveau d’investissement devraient être éligibles aux petites entreprises, ou aux entreprises communautaires et aux ménages qui souhaitent investir dans des centrales d’énergie renouvelable, des panneaux solaires sur les toits, recyclage des déchets, plutôt que de donner la priorité aux gros investissements orientés vers l’exportation dans une lutte acharnée vers les devises. Les avantages fiscaux aux activités capitalistiques pour les investisseurs devraient cibler les secteurs à forte employabilité et transfert technologique à empreinte écologique faible.

Ce ne sont là que quelques exemples pour mettre le pays sur la voie de la résilience afin de réduire sa vulnérabilité, mais il est aussi plus qu’urgent aujourd’hui d’aborder la question de la valorisation du travail. La réévaluation des salaires, dans tous les secteurs d’importance stratégique, tels que l’industrie, l’agriculture et l’environnement, les ingénieurs TIC, les chercheurs, les médecins du secteur public, les travailleurs de la santé et de l’éducation, devrait être un objectif de politique publique afin de limiter la fuite des cerveaux, d’offrir un environnement de travail décent et d’éliminer la pauvreté au travail et l’inégalité entre les sexes. Une sécurité sociale décente devrait être introduite comme un droit constitutionnel et bannie des logiques de marché. Ici, les dépenses publiques ne devraient pas être calculées comme un coût, mais comme un investissement.

Aujourd’hui, il est évident pour la majorité de la classe politique, et pour la communauté internationale qu’il est impossible de revenir à la situation d’avant le 25 juillet. Kais Saïed a concentré tout le pouvoir entre ses mains, et ce faisant, il a pris l’entière responsabilité de changer les règles du jeu. Parier sur son échec, c’est prendre le risque de remettre le pays entre les mains de la même élite politique responsable de ces échecs. Mais il est plus que nécessaire de remettre en question la vision singulière du président et son approche descendante en formant une alliance populaire d’organisations nationales et de mouvements progressistes pour redéfinir les règles du jeu en faveur de la majorité de la population. La première condition pour qu’une telle alliance soit efficace est que la nouvelle constitution consacre le dialogue social, et l’UGTT pourrait jouer un rôle crucial dans la réalisation de cet objectif. La deuxième condition est que les réformes constitutionnelles renforcent les droits de l’homme et les libertés, garantissent l’indépendance du pouvoir judiciaire, mettent fin à l’impunité et à l’état policier, et donnent aux institutions indépendantes les moyens réels et adéquats de jouer leur rôle en rendant les décideurs politiques réellement responsables devant leurs électeurs. Les faiblesses constitutionnelles que nous avons décrites doivent être corrigées, et la modification du système politique doit garantir une véritable répartition des pouvoirs et un équilibre clair entre l’exécutif et le législatif, quant au dialogue social il doit permettre un changement de paradigme dans le modèle économique.

A titre d’exemple, une des réformes institutionnelles pourrait contribuer à une meilleure planification et à de meilleurs résultats économiques, le ministère de l’Économie et de la Planification devrait être un organe supra-ministériel qui coordonne les actions entre les institutions régaliennes, c’est-à-dire la banque centrale, le ministère des Finances et les ministères de l’Agriculture, de l’Industrie, de l’Énergie et de l’Environnement, afin de coordonner des politiques économiques efficaces, en se basant sur des études économiques, non seulement prospectives mais aussi des évaluation ex-post, afin d’évaluer les résultats des politiques implémentées.

Les politiques monétaires, fiscales et sectorielles doivent aller de pair et être soutenues, quand nécessaire, par la coopération internationale dans des domaines qui sont dans l’intérêt stratégique du pays, tels que la recherche et le développement, le transfert de technologies, les investissements pour l’adaptation au changement climatique et la bonne gestion des ressources. Des objectifs politiques tels que le plein emploi ou la souveraineté alimentaire et énergétique, assortis d’indicateurs quantitatifs, devraient faire partie des objectifs pour lesquels les gouvernements, y compris la Banque centrale, se doivent d’être redevables devant les élus, et surtout des mécanismes de sanction démocratiques doivent être prévus pour que les sanctions populaires ne s’effectuent pas dans la rue.

 

[1]      International Crisis Group, La transition bloquée : corruption et régionalisme en Tunisie, Rapport Moyen-Orient et Afrique du Nord N°177. 10 mai 2017. https://d2071andvip0wj.cloudfront.net/177-la-transition-bloquee-corruption-et-regionalisme-en-tunisie.pdf Enquête sur la corruption en Tunisie, décembre 2020 GIZ https://inlucc.tn/wp-content/uploads/2021/03/GIZ-ETUDE.pdf

[2]      Aziz krichen,2021 « La gauche et son grand récit, comprendre l’économie de rente », voir aussi le dossier n°24 de Legal agenda https://english.legal-agenda.com

[3]      Rijkers, Bob; Freund, Caroline; Nucifora, Antonio. 2014. All in the Family: State Capture in Tunisia. Policy Research Working Paper;No. 6810 World Bank. https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/17726

[4]      Alexander Martin & John M. Carey, Why Tunisia’s parliamentary electoral formula needs to be changed, Bawader, January 2022, Arab reform initiative, https://www.arab-reform.net/pdf/?pid=21020&plang=en

[5]      D’autant plus due à la possibilité de mobilité partisane des élus après les élections

[6]      Bien que l’art 78 stipule que le président est chargé de nommer les hauts fonctionnaires, Hauts fonctionnaires, les membres du Haut conseil de sécurité présidé par le président sont nommés en fonction de leurs fonctions les membres permanents sont donc remplacés à la retraite par d’autres membres qui seront promus par les ministres en charge, ce qui donne plus de pouvoirs aux ministres de la défense et de l’intérieur dans ces nominations et donc au chef du gouvernement qu’au président. Les décrets gouvernementaux n° 2017-70 du 19 janvier 2017 relatif au conseil de sécurité nationale et n° 2017-71 portant création du centre national de renseignement émis par Youssef Chahed tente de retirer encore plus de prérogatives au président. Aussi La nomination du gouverneur de la banque centrale ou sa révocation ne peut se faire que sur proposition du chef du gouvernement et après approbation de la majorité absolue des membres de l’ARP.

[7]      Le président ne peut que proposer un budget pour la présidence, qui comprend les services administratifs civils et la sécurité présidentielle, et quelques autres institutions rattachées à la présidence, comme l’institut des études stratégiques.

[8]      Un récent rapport de la commission des finances déplore : “la commission a renouvelé sa recommandation selon laquelle le document expliquant les raisons des projets de loi doit faire l’objet du soin et de l’exactitude nécessaires pour inclure toutes les données et les détails qui autorisent la compréhension du projet et permettent de délibérer sur celui-ci… en plus de fournir à la commission les accords relatifs aux prêts et leurs annexes, et tous les documents concernés en langue arabe, ce qui est une exigence précédemment soumise par la commission à l’occasion de son étude de plusieurs accords et qui n’a pas reçu de réponse de l’initiateur de la législation”.

[9]      Samson, C. (1988). L’encadrement juridique de la conditionnalité des accords de confirmation du Fonds monétaire international. Études internationales,19(4), 651–671. https://doi.org/10.7202/702417ar

[10]    Durant la mandature 2014-2019 : Sur les 446 projets de lois, 77 propositions de loi sont introduites a l’initiative des députés, seulement 9 ont été acceptées, contre 361 projets de projets de lois émanant du gouvernement, dont 315 ont été acceptés. Durant la mandature 2019 -2024, sur les 207 projets de lois, 71 propositions émanant des députés, seulement deux lois ont été acceptées, alors que sur les 132 projets du gouvernement, 117 ont été adoptés, majoritairement des accords de prêts.

[11]     Hamza Mighri, Maxime Poulin, The Role of Parliaments in SSG: The case of Tunisia, 2020, DCAF Geneva center for security. https://www.dcaf.ch/sites/default/files/imce/PRD/Role_Parliaments_Tunisia.pdf

[12]     Voir recommandations de  Al Bawsala sur la réforme du règlement intérieur de l’Assemblée des représentants du peuple, https://majles.marsad.tn/fr/media/show/2351

[13]     Maha ben Gadha, La justice sociale: L’objectif inatteignable de la révolution Tunisienne, Rosa Luxemburg Stiftung, 2017. https://rosaluxna.org/wp-content/uploads/2022/05/RLS-TUN-justice-sociale-06-02-2017.pdf

[14]     En 2013, le dialogue national, s’est essentiellement concentré sur l’accélération de la ratification de la constitution, et la nomination d’un gouvernement de technocrates qui devait en principe gérer les affaires courantes, de finir la phase de transition par la mise en place de l’Instance Supérieure Indépendante pour les élections et la ratification de la loi électorale.  cela ne l’a pas empêché de suivre à la lettre les conditions de l’accord de confirmation du FMI.

[15]     Aida Delpuech & Samia Hanachi, Without a Constitutional Court, We Have No defence against authoritarianism Inkyfada 2021. https://inkyfada.com/en/2021/07/29/constitutinal-court-delay-kais-saied-tunisia/

[16]      Emanuele Santi, Saoussen Ben Romdhane and Mohamed Safouane Ben Aïssa Impact of Libya’s Conflict on the Tunisian Economy: A Preliminary Assessment, AFDB, 2011. https://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Publications/The%20Impact%20of%20Libyan%20Conflict%20on%20Tunisia%20ENG.pdf

[17]     Un coup d’œil à la matrice des réformes menées par la Tunisie dans le cadre de l’initiative “compact avec l’Afrique” et aux institutions chargées de leur financement et de leur suivi le montre clairement : https://www.compactwithafrica.org/content/dam/Compact%20with%20Africa/Countries/Tunisia/Tunisia%20-%20Updated%20CwA%20Reform%20Matrix%20-%20April%202021.pdf

[18]     Voir le rapport plus détaillé de Colin Powers : Chroniques d’une mort annoncée, Démocratie et développement en Tunisie, Recherche Noria avril 2022 https://noria-research.com/wp-content/uploads/2022/04/Noria-Research_Chronicles-of-a-Death-Foretold_2022_ENG-1.pdf

[19]     Le déficit primaire est le déficit budgétaire avant amortissement de la dette.

[20]     Comme la nouvelle loi sur l’investissement 2016, la loi sur le partenariat public-privé 2017, la loi visant à améliorer le climat d’investissement 2019.

[21]     https://www.hrw.org/fr/news/2017/05/10/la-reconciliation-economique-renait-de-ses-cendres, https://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/09/14/a-tunis-le-parlement-tunisien-vote-une-loi-controversee-sur-la-corruption_5185758_3212.html

[22]     Voir Transactions de la Tunisie avec le Fond depuis le 1er Mai 1984 jusqu’au 30 April 2022 https://www.imf.org/external/np/fin/tad/extrans1.aspx?memberKey1=970&endDate=2099-12-31&finposition_flag=YES

[23]     Fadil Ali Riza, Perpetual Periphery: IFIs and the Reproduction of Tunisia’s Economic Dependence,in the impact and influence of International financial institutions in the economies of the middle east and north Africa, ed. Tarik Radwan. Frederich Ebert Stiftung 2020. https://library.fes.de/pdf-files/bueros/tunesien/16107.pdf

[24]     Le rapport pays de la BM de 2012, indique clairement que ” Le PESF [le programme d’évaluation du secteur financier] fournit les bases analytiques de l’assistance technique et des réformes politiques que la Banque, la SFI et le FMI soutiendront pour aider le gouvernement à renforcer le secteur financier. Les réformes prioritaires comprennent la restructuration et la recapitalisation des banques publiques” En effet, la recapitalisation des trois principales banques souffrant de prêts non performants de la famille Ben Ali a été effectuée en 2015. Le même rapport indique qu’: “Une réforme politique prioritaire consiste à simplifier le code des investissements … (Les) services de conseil de l’IFC en Tunisie soutiendront également ce programme, en aidant les autorités à simplifier la réglementation des affaires, à améliorer la concurrence et la réglementation des investissements et à mettre en œuvre des réformes réglementaires … (La) SFI offrira ses conseils au gouvernement sur les transactions PPP pour les infrastructures “, c’est exactement ce qui s’est passé : la loi sur les PPP a été adoptée le 27 novembre 2015,  la loi bancaire, et la nouvelle loi sur la banque centrale en avril 2016, le mécanisme élargi de crédit (MEDC) a été finalement approuvé par le FMI en mai 2016, , plus tard le nouveau code d’investissement, et la nouvelle loi sur la concurrence ont été adoptés en septembre 2016, avec le soutien financier de la BM.

[25]     En prêtant à l’état à court terme à fort taux de rentabilité, surtout avec les taux directeurs élevés appliqués par la CBT.

[26]     Comme le groupe Mabrouk (BIAT), le groupe Elloumi (BTK), le groupe Doghri (UBCI), le groupe Ben Yedder (Amen Bank).

[27]     D’abord une longue liste de produits qui étaient sous des taux de TVA bas ont été mis sur la liste des taux plus élevés, au cours de 2017, puis la loi de finances 2018 a augmenté de 1 à 2 points tous les taux de TVA, en plus de la collecte des taxes spécifiques supplémentaires, et d’autres taxes à la consommation, à cela s’ajoutaient des décisions d’augmentations générales des prix de l’eau, de l’électricité, des transports, de l’essence, des cartes téléphoniques, du logement, de l’utilisation d’Internet, des chambres d’hôtel, et des aliments tels que les fruits et légumes.

[28]     Amine Bouzaiene, la justice fiscale en Tunisie : Un idéal piétiné par les politiques d’endettement, Fondation Friedrich Ebert Novembre 2021. https://library.fes.de/pdf-files/bueros/tunesien/18724.pdf; voir aussi Legal agenda Tunisie dossier n°22 , Août 2021 https://legal-agenda.com/wp-content/uploads/Legal-Agenda_Tunisia_22.pdf

[29]     L’inflation a augmenté à des niveaux sans précédent, atteignant 7,5 % en décembre 2018.

[30]     https://www.middleeasteye.net/news/sick-tunisia-austerity-and-vested-interests-destroying-health-services

[31]     https://www.middleeasteye.net/fr/reportages/ouvrieres-agricoles-les-sacrifiees-du-modele-agricole-tunisiens

[32]     Voir les rapports d’Inkyfada sur les arrestations et les personnes tuées par la police https://inkyfada.com/fr/webdoc/tue%c2%b7es-par-la-police-depuis-2011-les-violences-policieres-en-chiffres/ , voir aussi les rapports d’Amnistie International sur la Tunisie https://www.amnesty.org/fr/documents/mde30/0380/2019/fr/; https://www.amnesty.org/fr/documents/mde30/0085/2019/fr/

[33]     https://lapresse.tn/5332/block-aleca-principale-revendication-du-1er-mai/

[34]     Comme la loi sur la sécurité des aliments et des produits phytosanitaires qui vise à la convergence réglementaire avec les normes de l’UE dans le secteur agricole, qui permettrai un meilleur accès au marché des produits agricoles européens.

[35]     https://nawaat.org/2019/01/27/affaire-marouen-mabrouk-clemence-europeenne-au-gout-orange-francais/

[36]     Imen Louati et Chafik Ben Rouine, Impacts de la dévaluation du dinar, Observatoire Tunisien de l’Economie, 2021 http://www.economie-tunisie.org/sites/default/files/fmi_impact_of_tunisias_currency_devaluation_en.pdf

[37]     Rapport du ministère des finances sur l’exécution du budget décembre 2018, page 10. http://www.finances.gov.tn/sites/default/files/2019-08/note_sur_lexcution_de_budget__fin_dcembre_2018.pdf

[38]     https://ofe.umontreal.ca/fileadmin/ofe/documents/Documents_de_travail/DROFEno5.pdf

[39]     UNDP, Impact économique du covid­19 en Tunisie : analyse en termes de vulnérabilité des ménages et des micro et très petites entreprises, https://www1.undp.org/content/dam/tunisia/docs/Publications/UNDP-TN-Impact-covid-sur-l%C3%A9conomie-tunisienne-2020.pdf

[40]     Maha Ben Gadha, Tunisia joins forces to save global capital, Bar Al Aman 2020, https://www.researchmedia.org/tunisia-joins-forces-to-save-global-capital-maha-ben-gadha/

[41]     https://pressroom.ifc.org/all/pages/PressDetail.aspx?ID=26097

[42]     https://orientxxi.info/magazine/la-tunisie-un-champ-d-affrontement-entre-les-pays-du-golfe,2387

[43]     Hichem Mechichi a été conseiller du président, puis ministre de l’intérieur, avant d’être nommé chef du gouvernement.

[44]     https://www.middleeasteye.net/fr/decryptages/tunisie-kais-saied-hichem-mechichi-crise-politique-ennahdha-qalb-tounes

[45]     https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2021/07/27/tunisia-declaration-by-the-high-representative-on-behalf-of-the-eu/?utm_source=dsms-auto&utm_medium=email&utm_campaign=Tunisie+%3a+d%u00e9claration+du+haut+repr%u00e9sentant%2c+au+nom+de+l%u2019Union+europ%u00e9enne

https://tn.usembassy.gov/heads-of-mission-joint-statement-on-tunisia-10-december-2021/

[46]     Le programme économique de réforme de Bouden mentionne explicitement que la mobilisation des financements extérieurs d’autres bailleurs est conditionnée par la conclusion d’un programme avec le FMI.

[47]     Un décret pour la retraite anticipée est déjà publié, et les Accord sur les augmentations salariales avec l’UGTT sont bloquées, en plus d’un circulaire interne (n 20) interdisant la négociation des ministères avec les syndicats sectoriels a été appliqué.

[48]     Selon les rapports publiés par le ministère des Finances, les entreprises publiques qui font face à des difficultés financières les plus élevés sont celles qui ont connu une baisse des revenus externes en raison de chocs externes tels que la baisse du tourisme, la hausse des prix du pétrole ainsi que la dévaluation du dinar, qui pèse lourd sur la soutenabilité de leur dette externe.

[49]     Fadil Ali Riza , What democracy for tunisian workers, Rosa Luxemburg Stiftung North Africa , February 2020 https://rosaluxna.org/wp-content/uploads/2020/02/What-Democracy-for-Tunisian-Workers.pdf

[50]     https://nawaat.org/2020/11/08/trop-de-depenses-trop-de-fonctionnaires-deconstruire-le-mythe/

[51]     Les subventions en Tunisie sont généralement destinées aux entreprises publiques ou aux minoteries afin de maintenir les prix en dessous des coûts. Il s’agit d’une politique des pouvoirs publics pour permettre de maintenir un pouvoir d’achat qui puisse supporter le faible niveau de rémunération des employés. Le salaire minimum interprofessionnel garanti pour le régime des 48 heures est de 130 $ / 122 € par mois, ainsi, bien que les subventions au blé / pétrole soient considérées comme une charge pour le budget de l’Etat, il s’agit en réalité de subventionner les salariés entreprises étrangères afin de maintenir l’emploi à bas prix.

[52]     Y compris pour assurer le remboursement de crédits à court terme garantis par l’Etat pour l’importation de céréales, pétrole, Gaz etc.

[53]     Voir IMF Tunisia staff report article IV consultation 2021, Tunisia: Amortization and Interest Payments of Central Government Debt, 2020–36, page 58 . https://www.tustex.com/economie-actualites-economiques/tunisie-etat-des-lieux-detaille-de-la-dette-tunisienne-sur-le-marche-financier-national-et?fbclid=IwAR1wCoBmoDPY_bzG8cJUzgNYVXg72MmCzfCrfCY-OwPDqEwdO1xDcSL9MZ8

 

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